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Tel, d’un bras foudroyant fondant sur les rebelles,
Il moissonne en courant leurs troupes criminelles.
Les Seize, avec effroi, fuyaient ce bras vengeur,
Égarés, confondus, dispersés par la peur.
Mayenne ordonne enfin que l’on ouvre les portes :
Il rentre dans Paris, suivi de ses cohortes.
Les vainqueurs furieux, les flambeaux à la main,
Dans les faubourgs sanglants se répandent soudain.
Du soldat effréné la valeur tourne en rage ;
Il livre tout au fer, aux flammes, au pillage.
Henri ne les voit point ; son vol impétueux.
Poursuivait l’ennemi fuyant devant ses yeux.
Sa victoire l’enflamme, et sa valeur l’emporte ;
Il franchit les faubourgs, il s’avance à la porte :
« Compagnons, apportez et le fer et les feux[1],
Venez, volez, montez sur ces murs orgueilleux. »
Comme il parlait ainsi, du profond d’une nue
Un fantôme éclatant se présente à sa vue :
Son corps majestueux, maître des éléments,
Descendait vers Bourbon sur les ailes des vents :
De la Divinité les vives étincelles
Étalaient sur son front des beautés immortelles ;
Ses yeux semblaient remplis de tendresse et d’horreur
Arrête, cria-t-il, trop malheureux vainqueur !
Tu vas abandonner aux flammes, au pillage,
De cent rois tes aïeux l’immortel héritage,
Ravager ton pays, mes temples, tes trésors,
Égorger tes sujets, et régner sur des morts[2] :
Arrête !… » À ces accents, plus forts que le tonnerre,
Le soldat s’épouvante, il embrasse la terre,
Il quitte le pillage. Henri, plein de l’ardeur
Que le combat encore enflammait dans son cœur,
Semblable à l’Océan qui s’apaise et qui gronde :
« Ô fatal habitant de l’invisible monde !

  1. Imitation de Virgile, Æn., IX, 37 :
    Ferte citi ferrum, date tela, et scandite mures.
  2. Racine a dit dans la Thébaïde, acte IV, scène iii :
    Est-ce donc sur des morts que vous voulez régner ?