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Sanglants, percés de coups, bénissaient leurs bourreaux !
Eux seuls étaient chrétiens, je n’en connais point d’autres[1] ;
Ils mouraient pour leurs rois, vous massacrez les vôtres :
Et Dieu, que vous peignez implacable et jaloux,
S’il aime à se venger, barbares, c’est de vous. »
À ce hardi discours aucun n’osait répondre ;
Par des traits trop puissants ils se sentaient confondre ;
Ils repoussaient en vain de leur cœur irrité
Cet effroi qu’aux méchants donne la vérité ;
Le dépit et la crainte agitaient leurs pensées ;
Quand soudain mille voix, jusqu’au ciel élancées,
Font partout retentir avec un bruit confus :
« Aux armes, citoyens, ou nous sommes perdus ! »
Les nuages épais que formait la poussière
Du soleil dans les champs dérobaient la lumière.
Des tambours, des clairons, le son rempli d’horreur
De la mort qui les suit était l’avant-coureur.
Tels des antres du Nord échappés sur la terre,
Précédés par les vents, et suivis du tonnerre,
D’un tourbillon de poudre obscurcissant les airs,
Les orages fougueux parcourent l’univers.
C’était du grand Henri la redoutable armée,
Qui, lasse du repos, et de sang affamée,
Faisait entendre au loin ses formidables cris,
Remplissait la campagne, et marchait vers Paris.
Bourbon n’employait point ces moments salutaires
À rendre au dernier roi les honneurs ordinaires,
À parer son tombeau de ces titres brillants
Que reçoivent les morts de l’orgueil des vivants ;
Ses mains ne chargeaient point ces rives désolées
De l’appareil pompeux de ces vains mausolées
Par qui, malgré l’injure et des temps et du sort,
La vanité des grands triomphe de la mort :
Il voulait à Valois, dans la demeure sombre,
Envoyer des tributs plus dignes de son ombre,

  1. Voltaire a dit, dans OEdipe, acte V, scène iv :
    Voilà tous mes forfaits; je n'en connais point d'autres.