Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome8.djvu/121

Cette page n’a pas encore été corrigée

De Sixte et de Philippe[1] abaissez la fierté.
« Philippe, de son père héritier tyrannique,
Moins grand, moins courageux, et non moins politique,
Divisant ses voisins pour leur donner des fers,
Du fond de son palais croit dompter l’univers.
« Sixte[2], au trône élevé du sein de la poussière,
Avec moins de puissance a l’âme encor plus fière :
Le pâtre de Montalte est le rival des rois ;
Dans Paris comme à Rome il veut donner des lois ;
Sous le pompeux éclat d’un triple diadème,
Il pense asservir tout, jusqu’à Philippe même.
Violent, mais adroit, dissimulé, trompeur,
Ennemi des puissants, des faibles oppresseur,
Dans Londres, dans ma cour, il a formé des brigues,
Et l’univers, qu’il trompe, est plein de ses intrigues.
« Voilà les ennemis que vous devez braver.
Contre moi l’un et l’autre osèrent s’élever.
L’un, combattant en vain l’Anglais et les orages,
Fit voir à l’Océan[3] sa fuite et ses naufrages ;

  1. Sixte-Quint, pape, avait osé excommunier le roi de France, et surtout Henri IV, alors roi de Navarre.

    Philippe II, roi d'Espagne, grand protecteur de la Ligue. (Note de Voltaire, 1723.)
  2. Sixte-Quint, né aux Grottes, dans la Marche d'Ancône, d'un pauvre vigneron nommé Perotti; homme dont la turbulence égala la dissimulation. Étant cordelier, il assomma de coups le neveu de son provincial, et se brouilla avec tout l'ordre. Inquisiteur à Venise, il y mit le trouble, et fut obligé de s'enfuir. Étant cardinal, il composa en latin la bulle d'excommunication lancée par le pape Pie V contre la reine Elisabeth. Cependant il estimait cette reine, et l'appelait un gran cervello di principessa. (Id., 1730.)
  3. Cet événement était tout récent; car Henri IV est supposé voir secrètement Elisabeth en 1589; et c'était l'année précédente que la grande flotte de Philippe II, destinée pour la conquête de l'Angleterre, fut battue par l'amiral Drake, et dispersée par la tempête. (Id., 1730.)

    On a fait, dans un journal de Trévoux, une critique spécieuse de cet endroit. Ce n'est pas, dit-on, à la reine Elisabeth de croire que Rome est complaisante pour les puissances, puisque Rome avait osé excommunier son père.

    Mais le critique ne songeait pas que le pape n'avait excommunié le roi d'Angleterre, Henri VIII, que parce qu'il craignait davantage l'empereur Charles-Quint. (Id., 1737.) Ce n'est pas la seule faute qui soit dans cet extrait de Trévoux, dont l'auteur, désavoué et condamné par la plupart de ses confrères, a mis dans ses censures peut-être plus d'injures que de raisons. (Id., 1746.)