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Qui, toujours insultant à ce prince abattu,
Semblait l’avoir servi moins que l’avoir vaincu.
« La honte irrite enfin le plus faible courage :
L’insensible Valois ressentit cet outrage ;
Il voulut, d’un sujet réprimant la fierté,
Essayer dans Paris sa faible autorité :
Il n’en était plus temps ; la tendresse et la crainte
Pour lui dans tous les cœurs était alors éteinte :
Son peuple audacieux, prompt à se mutiner,
Le prit pour un tyran dès qu’il voulut régner.
On s’assemble, on conspire, on répand des alarmes ;
Tout bourgeois est soldat, tout Paris est en armes ;
Mille remparts naissants, qu’un instant a formés,
Menacent de Valois les gardes enfermés.
« Guise[1], tranquille et fier au milieu de l’orage,
Précipitait du peuple ou retenait la rage,
De la sédition gouvernait les ressorts,
Et faisait à son gré mouvoir ce vaste corps.
Tout le peuple au palais courait avec furie :
Si Guise eût dit un mot, Valois était sans vie ;
Mais, lorsque d’un coup d’œil il pouvait l’accabler,
Il parut satisfait de l’avoir fait trembler ;
Et, des mutins lui-même arrêtant la poursuite,
Lui laissa par pitié le pouvoir de la fuite.
Enfin Guise attenta, quel que fût son projet,
Trop peu pour un tyran, mais trop pour un sujet.
Quiconque a pu forcer son monarque à le craindre[2]
À tout à redouter, s’il ne veut tout enfreindre.
Guise, en ses grands desseins dès ce jour affermi,
Vit qu’il n’était plus temps d’offenser à demi ;
Et qu’élevé si haut, mais sur un précipice,
S’il ne montait au trône, il marchait au supplice.
Enfin, maître absolu d’un peuple révolté,
Le cœur plein d’espérance et de témérité,

  1. Le duc de Guise, à cette journée des Barricades, se contenta de renvoyer à Henri III ses gardes, après les avoir désarmés. (Note de Voltaire. 1730.)
  2. Quinault (Thésée, acte II, scène viii), avait dit :
    Quand on a fait trembler un roi,
    Apprenez qu'on en doit tout craindre.