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Il se faisait aimer des grands qu’il haïssait ;
Terrible et sans retour alors qu’il offensait ;
Téméraire en ses vœux, sage en ses artifices ;
Brillant par ses vertus, et même par ses vices ;
Connaissant le péril, et ne redoutant rien ;
Heureux guerrier, grand prince, et mauvais citoyen.
« Quand il eut quelque temps essayé sa puissance,
Et du peuple aveuglé cru fixer l’inconstance,
Il ne se cacha plus, et vint ouvertement
Du trône de son roi briser le fondement.
Il forma dans Paris cette Ligue funeste,
Qui bientôt de la France infecta tout le reste ;
Monstre affreux, qu’ont nourri les peuples et les grands,
Engraissé de carnage, et fertile en tyrans.
« La France dans son sein vit alors deux monarques :
L’un n’en possédait plus que les frivoles marques ;
L’autre, inspirant partout l’espérance ou l’effroi,
À peine avait besoin du vain titre de roi.
Valois se réveilla du sein de son ivresse.
Ce bruit, cet appareil, ce danger qui le presse,
Ouvrirent un moment ses yeux appesantis ;
Mais du jour importun ses regards éblouis
Ne distinguèrent point, au fort de la tempête,
Les foudres menaçants qui grondaient sur sa tête ;
Et, bientôt fatigué d’un moment de réveil,
Las, et se rejetant dans les bras du sommeil,
Entre ses favoris, et parmi les délices,
Tranquille, il s’endormit au bord des précipices.
Je lui restais encore ; et, tout prêt de périr,
Il n’avait plus que moi qui pût le secourir :
Héritier, après lui, du trône de la France,
Mon bras sans balancer s’armait pour sa défense ;
J’offrais à sa faiblesse un nécessaire appui ;
Je courais le sauver, ou me perdre avec lui.
« Mais Guise, trop habile, et trop savant à nuire,
L’un par l’autre, en secret, songeait à nous détruire.
Que dis-je ! il obligea Valois à se priver
De l’unique soutien qui le pouvait sauver.