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Ce changement est grand, mais il est ordinaire :
On a vu plus d’un roi, par un triste retour,
Vainqueur dans les combats, esclave dans sa cour.
Reine, c’est dans l’esprit qu’on voit le vrai courage.
Valois reçut des cieux des vertus en partage :
Il est vaillant, mais faible ; et, moins roi que soldat,
Il n’a de fermeté qu’en un jour de combat.
Ses honteux favoris, flattant son indolence,
De son cœur, à leur gré, gouvernaient l’inconstance ;
Au fond de son palais, avec lui renfermés,
Sourds aux cris douloureux des peuples opprimés,
Ils dictaient par sa voix leurs volontés funestes ;
Des trésors de la France ils dissipaient les restes ;
Et le peuple accablé, poussant de vains soupirs,
Gémissait de leur luxe, et payait leurs plaisirs.
« Tandis que, sous le joug de ses maîtres avides,
Valois pressait l’État du fardeau des subsides,
On vit paraître Guise[1], et le peuple inconstant
Tourna bientôt ses yeux vers cet astre éclatant.
Sa valeur, ses exploits, la gloire de son père,
Sa grâce, sa beauté, cet heureux don de plaire,
Qui mieux que la vertu sait régner sur les cœurs,
Attiraient tous les vœux par des charmes vainqueurs.
« Nul ne sut mieux que lui le grand art de séduire ;
Nul sur ses passions n’eut jamais plus d’empire,
Et ne sut mieux cacher, sous des dehors trompeurs,
Des plus vastes desseins les sombres profondeurs.
Altier, impérieux, mais souple et populaire,
Des peuples en public il plaignait la misère,
Détestait des impôts le fardeau rigoureux ;
Le pauvre allait le voir, et revenait heureux[2] :
Il savait prévenir la timide indigence ;
Ses bienfaits dans Paris annonçaient sa présence ;

  1. Henri de Guise le Balafré, né, en 1550, de François de Guise et d'Anne d'Este. Il exécuta le grand projet de la Ligue, formé par le cardinal de Lorraine son oncle, du temps du concile de Trente, et entamé par François, son père. (Note de Voltaire, 1730.)
  2. Boileau a dit dans son épître I, vers 112 :
    Qu'on n'alla jamais voir sans revenir heureux.