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« Du haut de ce palais excitant la tempête,
Médicis à loisir contemplait cette fête :
Ses cruels favoris, d’un regard curieux,
Voyaient les flots de sang regorger sous leurs yeux,
Et de Paris en feu les ruines fatales
Étaient de ces héros les pompes triomphales.
« Que dis-je ! ô crime ! ô honte ! Ô comble de nos maux !
Le roi[1], le roi lui-même, au milieu des bourreaux,
Poursuivant des proscrits les troupes égarées,
Du sang de ses sujets souillait ses mains sacrées :
Et ce même Valois que je sers aujourd’hui[2],

  1. Voici ce que Brantôme ne fait pas difficulté d'avouer lui-même dans ses mémoires : « Quand il fut jour, le roi mit la tête à la fenêtre de sa chambre, et voyant aucuns dans le faubourg Saint-Germain qui se remuoient et se sauvoient, il prit une grande arquebuse de chasse qu'il avoit, et en tiroit tout plein de coups à eux, mais en vain, car l'arquebuse ne tiroit si loin; incessamment crioit : Tuez, tuez. »



    Plusieurs personnes ont entendu conter à M. le maréchal de Tessé que, dans son enfance, il avait vu un gentilhomme âgé de plus de cent ans, qui avait été fort jeune dans les gardes de Charles IX. Il interrogea ce vieillard sur la Saint-Barthélémy, et lui demanda s'il était vrai que le roi eût tiré sur les huguenots. « C'était moi, monsieur, répondit le vieillard, qui chargeais son arquebuse. »



    Henri IV dit publiquement plus d'une fois qu'après la Saint-Barthélémy une nuée de corbeaux était venue se percher sur le Louvre, et que, pendant sept nuits, le roi, lui, et toute la cour, entendirent des gémissements et des cris épouvantables à la même heure. Il racontait un prodige encore plus étrange : il disait que, quelques jours avant les massacres, jouant aux dés avec le duc d'Alençon et le duc de Guise, il vit des gouttes de sang sur la table ; que par deux fois il les fit essuyer, que deux fois elles reparurent, et qu'il quitta le jeu saisi d'effroi. (Note de Voltaire, 1723.)



    — Je crois que le commencement de cette note est des éditeurs de Kehl. Dans l'édition de 1723, au lieu du premier alinéa, on lisait : « Charles IX avait eu la barbarie de tirer lui-même, avec une arquebuse, sur les huguenots qu'il voyait fuir. »



    Cette phrase fut supprimée dans les éditions postérieures à 1724; mais dans les éditions de 1730 à 1775, au lieu de : « Plusieurs personnes ont entendu, etc, » il y a : « J'ai entendu. »



    Voltaire reparle de la barbarie que Charles IX eut de tirer sur les protestants, dans son Essai sur les guerres civiles, qui fait partie du présent volume. (B.)
  2. On trouve dans les Mémoires de Villeroi un discours de Henri III à un de ses confidents, sur la Saint-Barthélémy, où ce prince disculpe Charles IX, et accuse sa mère et lui-même. Charles IX, suivant ce récit, fut entraîné par les sollicitations de sa mère et de son frère, qui lui avouèrent que l'assassinat de Coligny s'était commis par leur ordre, et qu'il fallait ou les immoler à l'amiral, ou ordonner le massacre des protestants, pour lequel ils avaient d'avance pris des mesures. M. de Voltaire ne pouvait admettre ce récit sans rendre Valois trop odieux : d'ailleurs cette pièce n'est rien moins qu'authentique. (K.)