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Raffermira-t-il mieux ton empire ébranlé ?
Dans la mort d’une femme est-il donc quelque gloire ?
Est-ce là tout l’honneur qui reste à ta mémoire ?
Venge-toi d’un rival, venge-toi des Romains ;
Ranime dans leur sang tes languissantes mains ;
Va finir sur la brèche un destin qui t’accable.
Qu’on te trahisse ou non, ta mort est honorable ;
Et l’on dira du moins, en respectant mon nom :
Il mourut en soldat des mains de Scipion.


Scène II


SYPHAX, SOPHONISBE, PHÆDIME.

SOPHONISBE.

Que voulez-vous, Syphax ? et quelle tyrannie
Traîne ici votre épouse avec ignominie ?
Vos Numides tremblants, courageux contre moi,
Pour la première fois ont bien servi leur roi ;
À votre ordre suprême ils ont été dociles.
Peut-être sur nos murs ils seraient plus utiles ;
Mais vous les employez dans votre tribunal
À conduire à vos pieds la nièce d’Annibal !
Je conçois leur valeur, et je lui rends justice,
Quel est mon crime enfin ? Quel sera mon supplice ?

SYPHAX, lui donnant la lettre.

Connaissez votre seing : rougissez, et tremblez.

SOPHONISBE.

Dans les malheurs communs qui nous ont désolés,
J’ai frémi, j’ai pleuré de voir la Numidie
Aux fiers brigands du Tibre en deux mois asservie.
Scipion, Massinisse, heureux dans les combats.
M’ont fait rougir, seigneur, mais je ne tremble pas.

SYPHAX.

Perfide !

SOPHONISBE.

Pour voÉpargnez-moi cette injure odieuse.
Pour vous, pour votre femme également honteuse.
Nos murs sont assiégés ; vous n’avez plus d’appui,
Et le dernier assaut se prépare aujourd’hui.