Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome7.djvu/518

Cette page n’a pas encore été corrigée

DEUXIÈME JOURNÉE

Il y a des beautés dans la deuxième journée comme il y en a dans la première, au milieu de ce chaos de folies inconséquentes. Par exemple, Cintia, en parlant à Libia de ce sauvage qu’on appelle Héraclius, lui parle ainsi :

Nous sommes les premières qui avons vu combien sa rudesse est traitable… J’en ai eu compassion, j’en ai été troublée ; je l’ai vu d’a])ord si fier, et ensuite si soumis avec moi ! Il s’animait d’un si noble orgueil, en se croyant le fils d’un empereur ; il était si intrépide avec Pliocas ; il aimait mieux mourir que d être le fils d’un autre que de Maurice ; enfin sa piété envers ce vénérable vieillard ! Tout doit te plaire comme à moi.

Cela est naturel et intéressant. Mais voici un morceau qui paraît sublime : c’est cette réponse de Phocas au sorcier Lisippo, quand celui-ci lui dit que ces deux jeunes gens ont fait une belle action, en osant se défendre seuls contre tant de monde. Phocas répond :

C’est ainsi qu’en juge ma valeur ; et, en voyant l’excès de leur courage, je les ai crus tous deux mes fils.

Phocas dit enfin au bonhomme Astolphe qu’il est content de lui et des deux enfants qu’il a élevés, et qu’il les veut adopter l’un et l’autre ; mais il s’agit de les trouver dans les bois et dans les autres 6ù ils se sont enfuis. On propose d’y envoyer de la musique au lieu de gardes.

Car (dit Astolphe), puisque le son des instruments les a fait sortir de notre caverne, il les attirera une seconde fois.

On détache donc des musiciens avec les deux paysans gracieux.

Cependant le sorcier persuade à Phocas que toute cette aventure pourrait bien n’être qu’une illusion ; qu’on n’est sûr de rien dans ce monde ; que la vérité est partout jointe au mensonge.

Pour vous en convaincre, dit-il, vous verrez tout à l’heure un palais superbe, élevé au milieu de ces déserts sauvages : sur quoi est-il fondé ? sur le vent ; c’est un portrait de la vie humaine.