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ÉPITRE DÉDICATOIRE. 39

Vous trouverez dans la première édition du Cid, composée longtemps après la Soj)lwnisbe,

A de plus hauts partis ce beau fils doit prétendre ;

et dans (Inna,

Vous m’aviez bien promis des conseils d’une femme.

Ainsi il ne faut pas s’étonner que le style de Mairet, qui nous choque tant aujourd’hui, ne révoltât personne de son temps.

Corneille surpassa Mairet en tout ; mais il ne le fit point oublier ; et même, quand il voulut traiter le sujet de Sophonishc, le public donna la préférence à ancienne tragédie de Mairet,

Vous avez souvent dit, monsieur le duc, la raison de cette préférence ; c’est qu’il y a un grand fonds d’intérêt dans la pièce de Mairet, et aucun dans celle de Corneille. La fin de l’ancienne Sophonisbe est surtout admirable ; c’est un coup de théâtre, et le plus beau qui fût alors.

Je crois donc vous présenter un hommage digne de vous en ressuscitant la mère de toutes les tragédies françaises, laissée depuis quatre-vingts ans dans son tombeau.

Ce n’est i)as que M. Lantin, en ranimant la Sophonisbe, lui ait laissé tous ses traits ; mais enfin le fond est entièrement conservé : on y voit l’ancien amour de Massinisse et de la veuve de Syphax ; la lettre écrite par cette Carthaginoise à Massinisse ; la douleur de Syphax, sa mort ; tout le caractère de Scipion, la même catastrophe, et surtout point d’épisode, point de rivale de Sophpuisbe, point d’amour étranger dans la pièce.

Je ne sais pourquoi M. Lantin n’a pas laissé subsister ce vers qui était autrefois dans la bouche de toute la cour :

Massinisse, en un jour, voit, aime, et se marié ^.

11 tient, à la vérité, de cette naïveté comique dont je vous ai parlé- ; mais il est énergique, et il était consacré. On l’a retranché probablement parce qu’en effet il n’était pas vrai que Massinisse n’eût aimé Sophonisbe que le jour de la prise de Cirthe ; il l’avait aimée éperdument longtemps auparavant, et un amour d’un moment n’intéresse jamais : aussi c’est Scipion qui prononçait ce vers, et Scipion était mal informé.

■ !. Ce vers est en effet dans la Sophonisbe de Mairet, acte IV, scène v. (B.) 2. Page 38, f"" alinéa, et à la fin.