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Implorera pour vous la clémence des dieux ;
Ils suivront votre exemple ; ils seront sans clémence ;
Ce sang si précieux criera plus haut vengeance.
La vérité se montre à vos yeux détrompés ;
Elle a conduit nos voix… J’attends la mort ; frappez.

AGATHOCLE.

Quoi ! ces trois ennemis insultent à ma perte !
Quoi ! sous leurs pas tremblants quand la tombe est ouverte,
Ils déchirent encor ce cœur désespéré !
Qu’on les fasse sortir.
(On les emmène.)


Scène III.



AGATHOCLE, ELPÉNOR.


AGATHOCLE.

Mon esprit égaré
De tout ce que j’entends reçoit d’affreux présages.
Ami, durant trente ans de travaux et d’orages,
Par des périls nouveaux chaque jour éprouvé,
Jamais jour plus affreux pour moi ne s’est levé.
Mon fils eut des défauts ; l’amitié paternelle
Ne m’en figurait pas une image infidèle :
Mais son courage altier secondait mes desseins ;
Il soutenait le trône établi par mes mains ;
Et, s’il faut à tes yeux découvrir ma pensée,
De ce trône sanglant ma vieillesse lassée
Allait le résigner à mon malheureux fils.
Tu vois de quels effets mes projets sont suivis.
Mon cœur s’ouvre à tes yeux ; ouvre le tien de même ;
Dis-moi la vérité : je la crains, mais je l’aime.
Est-il vrai que mes fils se disputaient tous deux
Cette jeune beauté, cet objet dangereux,
Cette esclave ?

ELPÉNOR.

On prétend qu’ils ont brûlé pour elle :
Cet amour a produit leur sanglante querelle,
Elle a causé la mort du fils que vous pleurez.
Polycrate, au mépris de vos ordres sacrés,