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Ni les foudres des dieux allumés sur ma tête,
Ne m’ôteraient l’objet dont je fais ma conquête.
Mon esclave est mon bien, rien ne peut m’en priver ;
De ces lieux à l’instant je la fais enlever.
(Après l’avoir regardé quelque temps en silence.)
Blâmez-vous ce dessein que mon cœur vous confie ?

ARGIDE.

Qui ? moi ! prétendez-vous que je vous justifie ?
Quel besoin auriez-vous de mon consentement ?
Comment approuverai-je un tel emportement ?
La paix avec Carthage est déjà déclarée ;
Agathocle aux autels aujourd’hui l’a jurée ;
Tous nos concitoyens nous ont été rendus :
Si ce Carthaginois n’a de vous qu’un refus,
Vous rallumez la guerre.

POLYCRATE.

Et c’est à quoi j’aspire ;
La guerre est nécessaire à ce naissant empire ;
Que serions-nous sans elle ?

ARGIDE.

En des temps pleins d’horreurs,
La guerre a mis mon père au faîte des grandeurs :
Pour soutenir longtemps ce fragile édifice,
Il faut des lois, mon frère, il faut de la justice.

POLYCRATE.

Des lois ! c’est un vain nom dont je suis indigné !
Est-ce à l’abri des lois qu’Agathocle a régné ?
Il n’en connut que deux : la force et l’artifice.
La loi de Syracuse est que l’on m’obéisse.
Agathocle fut maître, et je veux l’égaler.

ARGIDE.

L’exemple est dangereux ; il peut faire trembler :
Voyez Crésus en Perse, et Denys à Corinthe.

POLYCRATE, après l’avoir regardé encore fixement.

Pensez-vous m’alarmer, m’inspirer votre crainte ?
Prétendez-vous instruire Agathocle et son fils ?
Je voulais un service, et non pas des avis ;
J’avais compté sur vous…

ARGIDE.

Je serai votre frère,
Votre ami véritable, ardent à vous complaire,
Quand vous exigerez de ma foi, de mon cœur,