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AVERTISSEMENT

SUR LES TRAGf : DIES DE SOPIIONISBE.

La première tragédie italienne vraiment digne de ce nom est une tragédie de Sophonisbe. L’auteur en est Jean-Georges Trissino, patricien de Vicence, mort en 1050. L’action se passe en l’an 203 avant J. -G. Le sujet est emprunté à Tite-Live, liv. XXX, chap. xii-xv. Ce sujet, avant Trissino, avait déjà tenté un écrivain obscur nommé Galeotto del Carreto. Trissino composa sa tragédie vers loi 4 ; si l’on s’en rapporte à Louis Riccoboni dans son //ùiozre du lliéâlre italien, elle fut représentée environ à cette date dans la grande salle de l’hôtel de ville de Vicence avec une décoration magnifique, aux frais du sénat de cette ville. Elle fut imprimée en’lo24.

« Du temps que j’avais remis les spectateurs italiens dans le goût de la tragédie, dit Riccoboni, et qu’ils s’étaient accoutumés à voir représenter celles de Corneille et de Racine, j’ai donné la Sophonisbe du Trissino sans que personne se soit plaint qu’elle sentît l’antiquité. Notre auteur, dans la diction de sa tragédie, pense noblement et s’exprime avec douceur : la péripétie y est parfaite. Rien de plus triste que la situation de Sophonisbe (fille. d’Asdrubal) lorsqu’au second acte elle se trouve esclave des Romains. Rien de plus consolant pour elle que les promesses de Massinisse et son mariage avec lui, qui détruit toute la crainte et toute l’horreur qu’elle avait conçue pour l’esclavage ; et enfin rien de plus funeste que d’être réduite à prendre le poison que son nouvel époux lui envoie. Tite-Live lui a fourni toute l’action, et il a été très-exact à le suivre. Selon moi, je trouve cette tragédie parfaite. »

Le jugement de Riccoboni est bien loin de faire loi. On a reproché à Trissino une imitation trop servile de l’historien latin ; on lui a reproché de ne pas savoir appliquer les lois propres au théâtre : de là, des récits nombreux et interminables, toute l’histoire de Carthage racontée par Sophonisbe et, pour remplacer l’action, de continuels et fastidieux monologues. La Sofonisba n’en est pas moins une œuvre très-remarquable, si l’on tient compte de l’époque où elle s’est produite. Il y a un chœur composé de dames de Cirta, donne Cirtensi, et les unités sont, pour la première fois dans l’art dramatique moderne, strictement observées.