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Êtes-vous dans la Grèce une esclave d'Asie,
Qu'un despote, un barbare achète en Circassie,
Qu'on rejette en prison sous des monstres cruels,
À jamais invisible au reste des mortels ?
César a-t-il changé, dans sa sombre rudesse,
L'esprit de l'occident et les moeurs de la Grèce ?

irène

Du jour où Nicéphore ici reçut ma foi,
Vous le savez assez, tout est changé pour moi.

alexis

Hors mon coeur ; le destin le forma pour Irène :
Il brave des césars la puissance et la haine.
Il ne craindrait que vous ! Quoi ! Vos derniers sujets
Vers leur impératrice auront un libre accès !
Tout mortel jouira du bonheur de sa vue !
Nicéphore à moi seul l'aurait-il défendue ?
Et suis-je un criminel à ses regards jaloux
Dès qu'on l'a fait césar, et qu'il est votre époux ?
Enorgueilli surtout de cet hymen auguste,
L'excès de son bonheur le rend-il plus injuste ?

irène

Il est mon souverain.

alexis

Non : il n'était pas né
Pour me ravir le bien qui m'était destiné :
Il n'en était pas digne ; et le sang des Comnènes
Ne vous fut point transmis pour servir dans ses chaînes.
Qu'il gouverne, s'il peut, de ses sévères mains
Cet empire, autrefois l'empire des romains ;
Qu'aux campagnes de Thrace, aux mers de Trébisonde,
Transporta Constantin pour le malheur du monde,
Et que j'ai défendu moins pour lui que pour vous.
Qu'il règne, s'il le faut ; je n'en suis point jaloux :
Je le suis de vous seule, et jamais mon courage
Ne lui pardonnera votre indigne esclavage.
Vous cachez des malheurs dont vos pleurs sont garants ;
Et les usurpateurs sont toujours des tyrans.
Mais si le ciel est juste, il se souvient peut-être
Qu'il devait à l'empire un moins barbare maître.

irène

Trop vains regrets ! Je suis esclave de ma foi.
Seigneur, je l'ai donnée, elle n'est plus à moi.