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De ne nous pas apprendre
Que de ce beau Daplinis Grégoire était rival.

Glycère

Hélas ! quel intérêt mon cœur put-il y prendre ?
L’ai-je pu renianjuer ? Je ne voyais plus rien.

Prestine

Je vous l’avais bien dit, Grégoire est un vaurien,
Bien plus dangereux qu’il n’est tendre.
Sachez que dans ce temple on a mis deux tonneaux
Pour tous les gens que l’on marie :
L’un est vaste et profond ; la tonne de Cîteaux
N’est qu’une pinte auprès ; mais il est plein de lie ;
Il produit la discorde et les soupçons jaloux,
Les lourds ennuis, les froids dégoûts,
Et la secrète antipathie :
C’est celui que l’on donne, Hélas ! à tant d’époux,
Et ce tonneau fatal empoisonne la vie.
L’autre tonneau, ma sœur, est celui de l’amour ;
11 est petit… petit… on en est fort avare ;
De tous les vins qu’on boit c’est, dit-on, le plus rare.
Je veux en tàter quelque jour.
Sachez que le traître Grégoire
Du mauvais tonneau tour à tour
Malignement vous a fait boire.


Glycère

Ah ! de celui d’amour je n’avais pas besoin ;
J’idolâtrais sans lui mon amant et mon maître.
Temple affreux ! coupe horrible ! Ah ! Grégoire ! ah ! le traître !
Qu’il a pris un funeste soin !


Le père de Glycère

D’où sais-tu tout cela ?

Glycère

La servante du temple
Est une babillarde ; elle m’a tout conté.


Le père de Daphnis

Oui, de ces deux tonneaux j’ai vu plus d’un exemple ;
La servante a dit vrai. La docte antiquité
A parlé fort au long de cette belle histoire.
Jupiter autrefois, comme on me l’a fait croire.
Avait ces deux boudons toujours à ses côtés ;
De là venaient nos biens et nos calamités.
J’ai lu dans un vieux livre…