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A M. D’ALEMBEUT. 24a

J’attends l’opinion des deux académiciens philosophes, vos difînes confrères^, qui ont confondu do lâches et sots délateurs par une réponse aussi énergique que sage et délicate, et qui savent juger comme écrire.

VoiU’i, monsieur, Taréopage dont vous êtes l’organe, et par qui je voudrais être condamné ou absous, si jamais j’osais faire à mon tour une tragédie, dans un temps où les sujets des pièces de théâtre semblent épuisés ; dans un temps où le public est dégoûté de tous ses plaisirs, (jui passent comme ses affections ; dans un temps où l’art dramatique est prêt à tomber en France, après le grand siècle de Louis \IV, et à être entièrement sacrifié aux ariettes, comme il l’a été en Italie après le siècle des Médicis.

Je vous dis à peu près ce que disait Horace^ :

Plotius et Yarius, M.Tcenas, Virgiliusquo, Valgius, et probet iirec Octavius optiinus, atque Fuscus, et liaoc utiiiam Yiscorum laudet uteique, etc.

Et voyez, s’il vous plaît, comme Horace met Virgile à côté de Mécène. Le même sentiment échauffait Ovide dans les glaces qui couvraient les bords du Pont-Euxin, lorsque, dans sa dernière élégie de Ponto, il daigna essayer de faire rougir un de ces misé- rables folliculaires qui insultent à ceux qu’ils croient infortunés, et qui sont assez lâches pour calomnier un citoyen au bord de son (ombeau.

Combien de bons écrivains dans tous les genres sont-ils cités par Ovide dans cette élégie ! Gomme il se console par le suffrage des Cotta, des Messala, des Fuscus, des Marius, des Gracchus, des Varus, et de tant d’autres dont il consacre les noms à l’immortalité ! Comme il inspire pour lui la bienveillance de tout honnête homme, et l’horreur pour un regrattier qui ne sait être que détracteur !

Le premier des poètes italiens, et peut-être du monde entier, l’AriosteS nomme, dans son quarante-sixième chant, tous les gens

1. M. Suard et l’abbc Arnaud.

2. II nous est tombé entre les mains, depuis peu, une réponse do M. l’abbé Arnaud à je ne sais quelle prétendue dénonciation de je ne sais quel prétendu tliéolo.-îien, devant je ne sais quel prétendu tribunal. Cette réponse m’a paru très-supérieure à tous les ouvrages polémiques de l’autre Arnauld. {Note de Voltaire.) — L’opuscule dont parle ici Voltaire est intitulé Observations sur une dénonciation de la Gazette littéraire, faite à l’archevêque de Paris (1705), in-8" de 03 pages. Ces Observations ne sont pas do l’abbé Arnaud, mais de l’abbc Morellet. (B.)

3. Livre l", satire x, vers 81-83.

4. On ne le connaît guère en France que par des traductions très-insipides en prose. C’est le maître du Tasse et de La Fontaine. {Note de Voltaire.)