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La flamme la plus belle et la plus pure,
Soyez ici très-bien venus.
D’abord, avant que chacun jure
D’observer les rites reçus.
Avant que de former l’union conjugale,
Je vais vous présenter la coupe nuptiale.

Glycère

Ces rites sont d’aimer ; quel besoin d’un serment
Pour remplir un devoir si cher et si durable ?
Ce serment dans mon cœur constant, inaltérable,
Est écrit par le sentiment
En caractère intraçable.
Hélas ! si vous voulez, ma bouche en fera cent ;
Je les répéterai tous les jours de ma vie ;
Et n’allez pas penser que le nombre m’ennuie :
Ils seront tous pour mon amant.

Grégoire, à part.

Que ces deux gens heureux redoublent ma colère !
Dieux ! qu’ils seront punis… Buvez, belle Glycère,
Et buvez l’amour à longs traits.
Buvez, tendres époux, vous jurerez après :
Vous recevrez des dieux des faveurs infinies.


Il va prendre les deux coupes préparées dans le buffet

Le père de Daphnis

Oui, nos pères buvaient dans leurs cérémonies.
Aussi valaient-ils mieux qu’on ne vaut aujourd’hui :
Depuis qu’on ne boit plus, l’esprit avec l’ennui
Font bailler noblement les bonnes compagnies.
Les chansons en refrain des soupers sont bannies :
Je riais autrefois, j’étais toujours joyeux :
Et je ne ris plus tant depuis que je suis vieux :
J’en cherche la raison, d’où vient cela, compère ?

Le père de Glycère

Mais… cela vient… du temps. Je suis tout sérieux,
Bien souvent, malgré moi, sans en savoir la cause.
Il s’est fait parmi nous quelque métamorphose.
Mais il reste, après tout, quelques plaisirs touchants :
Dans le bonheur d’autrui l’àme à l’aise respire ;
Et quand nous marions nos aimables enfants.
Je vois qu’on est heureux sans rire.

Grégoir présente une petite coupe à Daphnis, et une autre à Glycère