Écoutons bien.
Mon Dieu, que ce début m’étonne !
Voulant rester chez moi, monsieur Garant me donne
Rendez-vous à dîner chez sa cousine Aubert.
C’est une brave dame.
Ah ! Diablesse d’enfer !
Il y devait venir de savants personnages,
Parfaits chez les parfaits, sages entre les sages :
J’y vais ; madame Aubert était encore au lit.
Monsieur Aubert tout seul près de moi s’établit,
Me propose un trictrac en attendant la table :
J’avais pour tous les jeux une haine effroyable ;
Et cependant je joue.
Eh bien ! jusqu’à présent
La chose est très commune, et le mal n’est pas grand.
J’y gagne, j’y prends goût ; de partie en partie
Je ne vois point venir la docte compagnie :
Le jeu se continue ; enfin le sort fait tant,
Qu’ayant bientôt perdu tout mon argent comptant,
Je redois mille écus encor sur ma parole.
De ces petits chagrins un sage se console.
Ah ! ce n’est rien encor. Garant à son cousin
Écrit que les docteurs ne viendront que demain,
Et qu’il l’attend chez lui pour affaire pressante.
Aubert me fait excuse, Aubert me complimente :
Il sort, je reste seul ; je n’osais demeurer,
Et dans notre maison j’étais prêt à rentrer.
Madame Aubert paraît avec un air modeste,
Bien coiffée en cheveux, un déshabillé leste,
Un négligé brillant, mais qui paraît sans art.
« On a dîné partout, me dit-elle ; il est tard
Je vous proposerais de dîner tête à tête ;