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CORRESPONDANCE

9751. — A M. ***.

Le 2 mai 1776[1].

J’ai été si excédé, mon cher ami, de mes Lettres ingénieuses et galantes[2], que je n’ai jamais écrites, et de tant d’autres fadaises à moi imputées, qu’il faut me pardonner si je prends le parti de tout cardinal ou de tout pape à qui on joue de pareils tours.

Il y a longtemps[3] que je fus indigné de ce Testament politique si frauduleusement produit sous le nom du cardinal de Richelieu. Pouvait-on supposer des conseils politiques d’un premier ministre qui ne parlait à son roi ni de la reine, qui était dans une situation si équivoque, ni de son frère, qui avait si souvent conspiré contre lui, ni du dauphin son fils, dont l’éducation était si importante, ni de ses ennemis, contre lesquels il y avait tant de mesures à prendre, ni des protestants du royaume, à qui ce même roi avait tant fait la guerre, ni de ses armées, ni de ses négociations, ni d’aucun de ses généraux, ni d’aucun de ses ambassadeurs ? Il y avait de la démence et de l’imbécillité à croire cette rapsodie écrite par un ministre d’État.

Chaque page décelait la fraude la plus mal ourdie ; cependant le nom du cardinal de Richelieu en imposa pendant quelque temps ; et quelques beaux esprits même prônèrent comme des oracles les énormes bévues dont le livre fourmille. C’est ainsi que toute erreur se perpétuerait d’un bout du monde à l’autre s’il ne se trouvait quelque bonne âme qui eût assez de hardiesse pour l’arrêter en chemin.


. — CORnESPONDANCE. XVIII. 1

  1. Il y a, à la date du 1er mai 1776, une lettre du comte de Saint-Germain, ministre de la guerre, à Voltaire, signalée dans un catalogue d’autographes. C’est une réponse à une lettre de Voltaire qui lui avait été remise par Desprez de Crassy.
  2. Les lettres de Voltaire à Mlle Dunoyer (voyez tome XXXIII, pages 9-28), furent publiées pour la première fois dans l’édition de 1720 des Lettres historiques et galantes, par Mme Dunoyer.
  3. Au moins dès 1737 ; voyez la note, tome XVII, page 211.