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LA MARQUISE

Seriez-vous bien assez cruel, mon fils ?

LA BARONNE

Quel parti prendrez-vous ?

LE COMTE

Il est tout pris.
Vous connaissez mon âme et sa franchise :
Il faut parler. Ma main vous fut promise ;
Mais nous n'avions voulu former ces noeuds
Que pour finir un procès dangereux :
Je le termine ; et, dès l'instant, je donne,
Sans nul regret, sans détour j'abandonne
Mes droits entiers, et les prétentions
Dont il naquit tant de divisions :
Que l'intérêt encor vous en revienne :
Tout est à vous ; jouissez-en sans peine.
Que la raison fasse du moins de nous
Deux bons parents, ne pouvant être époux.
Oublions tout ; que rien ne nous aigrisse.
Pour n'aimer pas, faut-il qu'on se haïsse ?

LA BARONNE

Je m'attendais à ton manque de foi.
Va, je renonce à tes présents, à toi.
Traître ! Je vois avec qui tu vas vivre,
À quel mépris ta passion te livre.
Sers noblement sous les plus viles lois ;
Je t'abandonne à ton indigne choix.

Elle sort,


Scène VII

.

LE CONTE, LA MARQUISE, PHILIPPE HOMBERT
LE COMTE

Non, il n'est point indigne ; non, madame,
Un fol amour n'aveugla point mon âme :
Cette vertu, qu'il faut récompenser,
Doit m'attendrir, et ne peut m'abaisser.
Dans ce vieillard, ce qu'on nomme bassesse
Fait son mérite ; et voilà sa noblesse.
La mienne à moi, c'est d'en payer le prix.