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DAVID.

Vous avez raison. Quelle est l’autre grâce que tu veux, petit misérable ?

ADONIAS.

Milord, c’est la jeune Abisag de Sunam qui ne vous sert à rien ; je l’aime éperdument, et je vous prie de me la donner par testament.

DAVID.

Ce coquin-là me fera mourir de chagrin ; je sens que je m’affaiblis, je n’en puis plus : réchauffez-moi un peu, Abisag.

(Adonias sort.)
ABISAG, lui prenant la main.

Je fais ce que je peux, mais vous êtes froid comme glace.

DAVID.

Je sens que je me meurs ; qu’on me mette sur mon lit de repos.

SALOMON, se Jetant à ses pieds.

Ô roi ! vivez longtemps.

BETHSABÉE.

Puisse-t-il mourir tout à l’heure, le vilain ladre, et nous laisser régner en paix !

DAVID.

Ma dernière heure arrive, il faut faire mon testament, et pardonner en bon juif à tous mes ennemis : Salomon, je vous fais roi juif ; souvenez-vous d’être clément et doux ; ne manquez pas, dès que j’aurai les yeux fermés, d’assassiner[1] mon fils Adonias, quand même il embrasserait les cornes de l’autel.

SALOMON.

Quelle sagesse ! quelle bonté d’âme ! mon père ; je n’y manquerai pas, sur ma parole.

DAVID.

Voyez-vous ce Joab qui m’a servi dans mes guerres, et à qui je dois ma couronne ? Je vous prie, au nom du Seigneur, de le faire assassiner[2] aussi, car il a mis du sang dans mes souliers.

JOAB.

Comment, monstre ! je t’étranglerai de mes mains ; va, va, je ferai bien casser ton testament, et ton Salomon verra quel homme je suis.

  1. Salomon fit assassiner Adonias son frère.
  2. Rois, III., chap. ii.