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ACTE V, SCÈNE I. IVÔi

D’où vient qu’ayant voulu courir notre fortune Il ne partage point l’allégresse commune ?

C AT AXE.

Apprenez-en la cause, et daignez m’écouter.

Quand du chemin d’Etna vous fermiez le passage,

Placé loin de vos yeux, j’étais vers le rivage

Où nos fiers ennemis osaient nous résister.

Je l’ai vu courir seul et se précipiter.

Nous étions étonnés qu’il n’eût point ce courage

Inaltérable et calme au milieu du carnage.

Cette vertu d’un chef, et ce don d’un grand cœur :

Un désespoir affreux égarait sa valeur ;

■Sa voix entrecoupée et son regard farouche

Annonçaient la douleur qui troublait ses esprits.

Il appelait souvent Solamir à grands cris ;

Le nom d’Aménaïde échappait de sa bouche ;

Il la nommait parjure, et, malgré ses fureurs,

De ses yeux enflammés j’ai vu tomber des pleurs.

Il cherchait à mourir ; et, toujours invincible.

Plus il s’abandonnait, plus il était terrible.

Tout cédait à nos coups, et surtout à son bras ;

Kous revenions vers vous, conduits par la victoire ;

Mais lui, les yeux baissés, insensible à sa gloire,

ilorne, triste, abattu, regrettant le trépas,

îl appelle en pleurant Aldamon qui s’avance ;

Il l’embrasse, il lui parle, et loin de nous s’élance

Aussi rapidement qu’il avait combattu.

<(C’est pour jamais », dit-il. Ces mots nous laissent croire

<5ue ce grand chevalier, si digne de mémoire,

Veut être à Syracuse à jamais inconnu.

Nul ne peut soupçonner le dessein qui le guide.

Mais dans le même instant je vois Aménaïde,

—Je la vois éperdue au milieu des soldats,

iLa mort dans les regards, pâle, défigurée ;

Elle appelle Tancrède, elle vole, égarée :

Son père, en gémissant, suit à peine ses pas ;

Il ramène avec nous Aménaïde en larmes.

« C’est Tancrède, dit-il, ce héros dont les armes

« Ont étonné nos yeux par de si grands exploits.

Ce vengeur de l’État, vengeur d’Aménaïde ;

<C’est lui que ce matin, d’une commune voix,

TVous déclarions rebelle, et nous nommions perfide ;