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544 T ANCRE DE.

Ce que mes yeux trompés t’ont vu toujours paraître ! Non, ce n’est qu’en mourant que je puis l’oublier ; Ma faiblesse est affreuse… il la faut expier, Il faut périr… mourons, sans nous occuper d’elle.

ALDAMON.

Elle vous a paru tantôt moins criminelle. L’univers, disiez-vous, au mensonge est livré ; La calomnie y règne.

TANCP.ÈDE.

’ Ah ! tout est avéré,

Tout est approfondi dans cet affreux mystère : Solamir en ces lieux adora ses attraits ; 11 demanda sa main pour le prix de la paix. ’Hélas ! ]’eût-il osé, s’il n’avait pas su plaire ? Ils sont d’intelligence. En vain j’ai cru mon cœur. En vain j’avais douté ; je dois en croire un père : Le père le plus tendre est son accusateur : Il condamne sa fille ; elle-même s’accuse ; Enfin mes yeux l’ont vu ce billet plein d’horreur : « Puissiez-vous vivre en maître au sein de Syracuse, Et régner dans nos murs, ainsi que dans mon cœur I » Mon malheur est certain.

ALDAMON.

Que ce grand cœur l’oublie, Qu’il dédaigne une ingrate à ce point avilie.

TANCRÈDE.

Et pour comble d’horreur, elle a cru s’honorer ! Au plus grand des humains elle a cru se livrer ! Que cette idée encor m’accable et m’humilie ! L’Arabe impérieux domine en Italie ; Et le sexe imprudent, que tant d’éclat séduit. Ce sexe à l’esclavage en leurs États réduit, Frappé de ce respect que des vainqueurs impriment. Se livre par faiblesse aux maîtres qui l’oppriment ! Il nous trahit pour eux, nous, son servile appui, Qui vivons à ses pieds, et qui mourons pour lui ! Ma fierté suffirait, dans une telle injure. Pour détester ma vie et pour fuir la parjure.