Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome5.djvu/54

Cette page n’a pas encore été corrigée
LA BARONNE

J'en veux savoir le contenu.

Elle décachette la lettre,

Il m'intéresse, ou je suis bien trompée.

BLAISE

Riant encore,

Ha, ha, ha, ha, qu'elle est bien attrapée !
Elle n'a là qu'un chiffon de papier ;
Moi, j'ai l'argent, et je m'en vais payer
Philippe Hombert : faut servir sa maîtresse.
Courons.


Scène VII

.

LA BARONNE

Lisons. "Ma joie et ma tendresse
Sont sans mesure, ainsi que mon bonheur.
Vous arrivez : quel moment pour mon coeur !
Quoi ! Je ne puis vous voir et vous entendre !
Entre vos bras je ne puis me jeter !
Je vous conjure au moins de vouloir prendre
Ces deux paquets : daignez les accepter.
Sachez qu'on m'offre un sort digne d'envie,
Et dont il est permis de s'éblouir :
Mais il n'est rien que je ne sacrifie
Au seul mortel que mon coeur doit chérir. "
Ouais. Voilà donc le style de Nanine !
Comme elle écrit, l'innocente orpheline !
Comme elle fait parler la passion !
En vérité ce billet est bien bon.
Tout est parfait, je ne me sens pas d'aise.
Ah, ah, rusée, ainsi vous trompiez Blaise !
Vous m'enleviez en secret mon amant.
Vous avez feint d'aller dans un couvent ;
Et tout l'argent que le comte vous donne,
C'est pour Philippe Hombert ! Fort bien, friponne ;
J'en suis charmée, et le perfide amour
Du comte Olban méritait bien ce tour.
Je m'en doutais que le coeur de Nanine
Était plus bas que sa basse origine.