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FREEPORT.

Tant mieux : elle dit donc qu’une fille… ?

POLLY.

Qu’une fille ne peut honnêtement accepter d’un homme.

FREEPORT.

Elle ne sait ce qu’elle dit : pourquoi me soupçonner d’un dessein malhonnête, quand je fais une action honnête ?

POLLY.

Entendez-vous, mademoiselle ?

LINDANE.

Oui, j’entends, je l’admire, et je suis inébranlable dans mon refus. Polly, on dirait qu’il m’aime : oui, ce méchant homme de Frélon le dirait : je serais perdue.

POLLY, allant vers Freeport.

Monsieur, elle craint que l’on ne dise que vous l’aimez.

FREEPORT.

Quelle idée ! comment puis-je l’aimer ? je ne la connais pas. Rassurez-vous, mademoiselle, je ne vous aime point du tout. Si je viens dans quelques années à vous aimer par hasard, et vous aussi à m’aimer, à la bonne heure… comme vous vous aviserez je m’aviserai. Si vous vous en passez, je m’en passerai. Si vous dites que je vous ennuie, vous m’ennuierez. Si vous voulez ne me revoir jamais, je ne vous reverrai jamais. Si vous voulez que je revienne, je reviendrai. Adieu, adieu. (Il tire sa montre.) Mon temps se perd, j’ai des affaires ; serviteur.

LINDANE.

Allez, monsieur, emportez mon estime et ma reconnaissance ; mais surtout emportez votre argent, et ne me faites pas rougir davantage.

FREEPORT.

Elle est folle.

LINDANE.

Fabrice ! monsieur Fabrice ! à mon secours ! venez !

FABRICE, arrivant en hâte.

Quoi donc, madame ?

LINDANE, lui donnant la bourse.

Tenez, prenez cette bourse que monsieur a laissée par mégarde ; remettez-la-lui, je vous en charge ; assurez-le de mon estime, et sachez que je n’ai besoin du secours de personne.

FABRICE, prenant la bourse.

Ah ! monsieur Freeport, je vous reconnais bien à cette bonne