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peuvent nuire dans l’occasion, quand ils sont bien dirigés. Il faut se servir de tout pour faire triompher la bonne cause. Allez, mes chers amis ; recommandez-vous à Cérès : vous viendrez crier, au signal que je donnerai ; c’est le sûr moyen de gagner le ciel, et surtout de vivre heureux, sur la terre.


Scène VII.[1]

Anitus, Nonoti, Chomos, Bertios.
ANITUS.

Infatigable Nonoti, profond Chomos, délicat Bertios, avez-vous fait contre ce méchant Socrate les petits ouvrages que je vous ai commandés ?

NONOTI.

J’ai travaillé, monseigneur, il ne s’en relèvera pas.

CHOMOS.

J’ai démontré la vérité contre lui : il est confondu.

BERTIOS.

Je n’ai dit qu’un mot dans mon journal[2] : il est perdu.

ANITUS.

Prenez garde, Nonoti, je vous ai défendu la prolixité. Vous êtes ennuyeux de votre naturel : vous pourriez lasser la patience de la cour.

NONOTI.

Monseigneur, je n’ai fait qu’une feuille ; j’y prouve que l’âme est une quintessence infuse, que les queues ont été données aux animaux pour chasser les mouches, que Cérès fait des miracles, et que, par conséquent, Socrate est un ennemi de l’état, qu’il faut exterminer.

ANITUS.

On ne peut mieux conclure. Allez porter votre délation au second juge, qui est un excellent philosophe : je vous réponds que vous serez bientôt défait de votre ennemi Socrate.

NONOTI.

Monseigneur, je ne suis point son ennemi : je suis fâché seulement

  1. Cette scène ne date que de 1761. Voltaire suivait ici l'exemple que venait de donner Palissot en mettant en scène les philosophes. — On lisait dans les premières éditions: Grafios, Chomos et Bertillos. — Voyez la note, page 364.
  2. Berthier avait la direction du journal de Trévoux.