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Ce coeur si simple est devenu bien vain.
Mais votre audace est trop prématurée ;
Votre triomphe est de peu de durée.
Vous abusez du caprice d'un jour,
Et vous verrez quel en est le retour.
Petite ingrate, objet de ma colère,
Vous avez donc l'insolence de plaire ?
Vous m'entendez ; je vous ferai rentrer
Dans le néant dont j'ai su vous tirer.
Tu pleureras ton orgueil, ta folie.
Je te ferai renfermer pour ta vie
Dans un couvent.

NANINE

J'embrasse vos genoux ;
Renfermez-moi ; mon sort sera trop doux.
Oui, des faveurs que vous vouliez me faire,
Cette rigueur est pour moi la plus chère.
Enfermez-moi dans un cloître à jamais :
J'y bénirai mon maître et vos bienfaits ;
J'y calmerai des alarmes mortelles,
Des maux plus grands, des craintes plus cruelles,
Des sentiments plus dangereux pour moi
Que ce courroux qui me glace d'effroi.
Madame, au nom de ce courroux extrême,
Délivrez-moi, s'il se peut, de moi-même ;
Dès cet instant je suis prête à partir.

LA BARONNE

Est-il possible ? Et que viens-je d'ouïr ?
Est-il bien vrai ? Me trompez-vous, Nanine ?

NANINE

Non. Faites-moi cette faveur divine :
Mon coeur en a trop besoin.

LA BARONNE

Avec un emportement de tendresse,

Lève-toi :
Que je t'embrasse. ô jour heureux pour moi !
Ma chère amie, eh bien ! Je vais sur l'heure
Préparer tout pour ta belle demeure.
Ah ! Quel plaisir que de vivre en couvent !

NANINE

C'est pour le moins un abri consolant.


LA BARONNE

Non ; c'est, ma fille, un séjour délectable.