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Vous qui tendez les mains, malgré votre courroux,
À je ne sais quels fers inconnus parmi nous ;
Vous qui vous exposez à la plainte importune
De ceux dont la valeur a fait votre fortune.
Ces braves compagnons de vos travaux passés
Verront-ils tant d’honneurs par l’amour effacés ?
Leur grand cœur s’en indigne, et leurs fronts en rougissent ;
Leurs clameurs jusqu’à vous par ma voix retentissent ;
Je vous parle en leur nom comme au nom de l’état.
Excusez un tartare, excusez un soldat
blanchi sous le harnais et dans votre service,
Qui ne peut supporter un amoureux caprice,
Et qui montre la gloire à vos yeux éblouis.

gengis

Que l’on cherche Idamé.

octar

Que l’on cherche Idamé.Vous voulez…

gengis

Que l’on cherche Idamé. Vous voulez…Obéis.
De ton zèle hardi réprime la rudesse ;
Je veux que mes sujets respectent ma faiblesse.


Scène III.

GENGIS.

À mon sort à la fin je ne puis résister ;
Le ciel me la destine, il n’en faut point douter.
Qu’ai-je fait, après tout, dans ma grandeur suprême ?
J’ai fait des malheureux, et je le suis moi-même ;
Et de tous ces mortels attachés à mon rang,
Avides de combats, prodigues de leur sang,
Un seul a-t-il jamais, arrêtant ma pensée,
Dissipé les chagrins de mon âme oppressée ?
Tant d’états subjugués ont-ils rempli mon cœur ?
Ce cœur, lassé de tout, demandait une erreur
Qui pût de mes ennuis chasser la nuit profonde,
Et qui me consolât sur le trône du monde[1].

  1. On peut comparer cette situation de Gengis à celle d’Auguste, et ces vers de l’Orphelin à ceux-ci de Cinna :
    Et comme notre esprit jusqu’au dernier soupir
    Toujours vers quelque objet pousse quelque désir,