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Par mon respect, qu'en secret j'ai rougi
Plus d'une fois d'être vêtue ainsi ;
Mais c'est l'effet de vos bontés premières,
De ces bontés qui me sont toujours chères.
De tant de soins vous daigniez m'honorer !
Vous vous plaisiez vous-même à me parer.
Songez combien vous m'aviez protégée :
Sous cet habit je ne suis point changée.
Voudriez-vous, madame, humilier
Un coeur soumis, qui ne peut s'oublier ?

LA BARONNE

Approchez-moi ce fauteuil... ah ! J'enrage...
D'où venez-vous ?

NANINE

Je lisais.

LA BARONNE

Quel ouvrage ?


NANINE

Un livre anglais dont on m'a fait présent[1].

LA BARONNE

Sur quel sujet ?

NANINE

Il est intéressant :
L'auteur prétend que les hommes sont frères,
Nés tous égaux ; mais ce sont des chimères :
Je ne puis croire à cette égalité.

LA BARONNE

Elle y croira. Quel fonds de vanité !
Que l'on m'apporte ici mon écritoire...

NANINE

J'y vais.

LA BARONNE

Restez. Que l'on me donne à boire.

NANINE

Quoi ?

LA BARONNE

Rien. Prenez mon éventail... sortez.
Allez chercher mes gants... laissez... restez.

  1. Voltaire fait entendre ici qu’il a emprunté sa pièce à Richardson, car le livre anglais dont parle Nanine ne peut être que le roman de Paméla. (G. A.)