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étan

Vous êtes observés ; la fuite est impossible ;
Autour de notre enceinte une garde terrible
Aux peuples consternés offre de toutes parts
Un rempart hérissé de piques et de dards.
Les vainqueurs ont parlé ; l’esclavage en silence
Obéit à leur voix dans cette ville immense ;
Chacun reste immobile et de crainte et d’horreur
Depuis que sous le glaive est tombé l’empereur.

zamti

Il n’est donc plus !

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Il n’est donc plus !Ô cieux !

étan

Il n’est donc plus ! Ô cieux !De ce nouveau carnage
Qui pourra retracer l’épouvantable image ?
Son épouse, ses fils sanglants et déchirés…
Ô famille de dieux sur la terre adorés !
Que vous dirai-je ? Hélas ! Leurs têtes exposées
Du vainqueur insolent excitent les risées,
Tandis que leurs sujets, tremblant de murmurer,
baissent des yeux mourants qui craignent de pleurer.
De nos honteux soldats les alfanges[1] errantes
À genoux ont jeté leurs armes impuissantes.
Les vainqueurs fatigués dans nos murs asservis,
Lassés de leur victoire et de sang assouvis,
Publiant à la fin le terme du carnage,
Ont, au lieu de la mort, annoncé l’esclavage.
Mais d’un plus grand désastre on nous menace encor ;
On prétend que ce roi des fiers enfants du nord,
Gengis-Kan, que le ciel envoya pour détruire,
Dont les seuls lieutenants oppriment cet empire,
Dans nos murs autrefois inconnu, dédaigné,
Vient, toujours implacable, et toujours indigné,
Consommer sa colère et venger son injure.
Sa nation farouche est d’une autre nature

  1. Toutes les éditions données du vivant de l’auteur portent alfanges. Alfange est un vieux mot tiré de l’arabe, qui signifie épée. Il a été employé en ce sens par Corneille (Cid, acte IV. sc. III). Voltaire l’a détourné de son acception et employé dans le sens de bataillons. Les éditeurs de Kehl ont substitué à ce mot celui de phalanges.