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Jugez de mon devoir quelle est la voix pressante.
J’ai senti ranimer ma force languissante ;
J’ai revolé vers vous. Les ravisseurs sanglants
Ont laissé le passage à mes pas chancelants ;
Soit que dans les fureurs de leur horrible joie,
Au pillage acharnés, occupés de leur proie,
Leur superbe mépris ait détourné les yeux ;
Soit que cet ornement d’un ministre des cieux,
Ce symbole sacré du grand dieu que j’adore,
À la férocité puisse imposer encore ;
Soit qu’enfin ce grand dieu, dans ses profonds desseins,
Pour sauver cet enfant qu’il a mis dans mes mains,
Sur leurs yeux vigilants répandant un nuage,
Ait égaré leur vue ou suspendu leur rage.

idamé

Seigneur, il serait temps encor de le sauver :
Qu’il parte avec mon fils ; je les puis enlever :
Ne désespérons point, et préparons leur fuite ;
De notre prompt départ qu’Étan ait la conduite.
Allons vers la Corée, au rivage des mers,
Aux lieux où l’océan ceint ce triste univers.
La terre a des déserts et des antres sauvages ;
Portons-y ces enfants, tandis que les ravages
N’inondent point encor ces asiles sacrés,
Éloignés du vainqueur, et peut-être ignorés.
Allons ; le temps est cher, et la plainte inutile.

zamti

Hélas ! Le fils des rois n’a pas même un asile !
J’attends les coréens ; ils viendront, mais trop tard :
Cependant la mort vole au pied de ce rempart.
Saisissons, s’il se peut, le moment favorable
De mettre en sûreté ce gage inviolable.


Scène III.

ZAMTI, IDAMÉ, ASSÉLI, ÉTAN.
zamti

Étan, où courez-vous, interdit, consterné ?

idamé

Fuyons de ce séjour au scythe abandonné.