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6 PRÉFACE..

approfonilio d’un acadL’inicicri de la Rochellé sur cette question, qui semble i)artager (lol)uis(iuel(]ues années la littérature : savoir s’il est permis de faire des comédies attendrissantes. Il paraît se déclarer fortement contre ce genre, dont la petite comédie de Vr//(//î^ tient beaucoup en quebiues endroits. Jl condamne avec raison tout ce qui aurait l’air d’une tragédie bourgeoise. En ellet, que serait-ce qu’une intrigue tragique entre des hommes du commun ? Ce serait seulement avilir le cothurne ; ce serait manquera la fois l’objet de la tragédie et de la comédie ; ce serait une espèce bâtarde, un monstre né de l’impuissance de faire une comédie et une tragédie véritable.

Cet académicien judicieux blâme surtout les intrigues romanesques et forcées dans ce genre de comédie, où l’on veut attendrir les spectateurs, et qu’on appelle, par dérision, comédie larmoyante. Mais dans « piel genre les intrigues romanesques et forcées peuvent-elles être admises ? Ne sont-elles pas toujours un vice essentiel dans quelque ouvrage que ce puisse être ? 11 conclut enfin en disant que, si dans une comédie l’attendrissement peut aller quelquefois jusqu’aux larmes, il n’appartient qu’à la passion de l’amour de les faire répandre. Il n’entend pas, sans doute, l’amour tel qu’il est représenté dans les bonnes tragédies, l’amour furieux, barbare, funeste, suivi de crimes et de remords ; il entend l’amour naïf et tendre, qui seul est du ressort de la comédie.

Cette réflexion en fait naître une autre, qu’on soumet au jugement des gens de lettres ; c’est que, dans notre nation, la tragédie a commencé par s’approprier le langage de la comédie. Si l’on y prend garde, l’amour, dans beaucoup d’ouvrages dont la terreur et la pitié devraient être l’âme, est traité comme il doit l’être en effet dans le genre comique. La galanterie, les déclarations d’amour, la coquetterie, la naïveté, la familiarité, tout cela ne se trouve que trop chez nos héros et nos héroïnes de Rome et de la Grèce, dont nos théâtres retentissent ; de sorte qu’en effet l’amour naïf et attendrissant dans une comédie n’est point un larcin fait à Melpomène, mais c’est au contraire Mclpomène qui depuis longtemps a pris chez nous les brodequins de Thalie,

Qu’on jette les yeux sur les premières tragédies qui eurent de si prodigieux succès vers le temps du cardinal de Richelieu, la Sophonisbe de Mairet, la Muriamnc, l’Amour tyrannique^, Alcionée^ :

1. Chassiron : voyez VAvertissement de Be.ucliot.

2. Tragi-comédie de Scudery, jouco en 1638.

3. Tragédie de Duryer, jouée en 1031).