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ANNÉE 1775.

province. Un de ces marauds de convulsionnaires, qui se croient envoyés de Dieu pour persécuter les hommes, vient d’écrire un libelle contre l’exposé fait par ce jeune homme. Le scélérat, sachant que notre client est en Allemagne, a fait imprimer son libelle dans la gazette intitulée Courrier du Bas-Rhin, du 18 octobre. On attaque votre ami dans ce Courrier, et on lui reproche d’avoir été engagé par moi-même, en 1766, à se mettre à la tête des huit avocats qui prirent alors la défense des coaccusés. Votre ami sait combien il est faux que je me fusse eu ce temps-là mêle de cette affaire. Il n’écouta que sa seule générosité. Il se pourra faire que le jeune homme, dans une réplique, atteste la vérité de tout ce que je vous dis, et qu’il rende hautement justice aux nobles sentiments de votre ami.

Je ne sais point encore comment cette nouvelle affaire tournera ; mais je vous préviens de l’état où sont les choses. Mon avis est qu’on ne fasse aucun éclat, puisque cet éclat ne produirait rien de réel. C’est bien assez, ce me semble, d’être protégé par un grand roi, le héros de l’Europe. Je ne connais point de meilleur réponse. Je ne pense pas même que le journal de votre ami soit fait pour traiter de telles matières, quelque réputation qu’il ait.

Au reste, je n’ai de nouvelles de la république des lettres que par ce journal, que je lis assidûment. Vous devriez bien mettre au courant un pauvre apoplectique de quatre-vingt-deux ans, que vous n’avez pas consolé dans sa retraite, et qui a grand besoin de consolation. Il vous embrasse de ses faibles mains.


9545. À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
26 novembre.

Il faut donc que je vous dise, mon cher ange, que, si Mme du Deffant se plaint de moi par un vers de Quinault, je me suis plaint d’elle par un vers de Quinault aussi[1]. Je crois qu’actuellement nous sommes les seuls en France qui citions aujourd’hui ce Quinault, qui était autrefois dans la bouche de tout le monde.

Je ne sais quel auteur je vous citerai pour me plaindre a vous de votre acharnement à m’accuser de gourmandise. Je veux bien que vous sachiez que je n’avais pas mangé depuis vingt-quatre heures lorsque mon accident m’arriva. Cette petite aven-


  1. Voyez lettre 9543.