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ANNÉE 1775. 205

je vous dis, et nous les mettrons sous les yeux du roi et de l’Europe entière ; mais commençons par notre sauf-conduit. Je ne puis rien, je ne veux rien, j’abandonne tout sans ce préalable ; je veux finir par là ma carrière. Ne croyez, ne consultez aucun bavard d’avocat, qui vous cite Papon et Loysel, comme si Papon et Loysel avaient été des rois législateurs. Ne consultez, mon cher ange, que votre raison et votre cœur. Dites, je vous en conjure, à M. de Condorcet, tout ce qui est dans ma lettre. C’est pour le coup que je me mets à l’ombre de vos ailes, et que j’y veux mourir.

9299. — A M. LE CHEVALIER DE FLORIAN[1]

A Ferney, 22 janvier.

Le vieux malade de Ferney remercie bien sensiblement M. de Florianet ; il l’embrasse de tout son cœur ; il lui écrit sur ce petit papier imperceptible, pour épargner à un jeune officier, très-médiocrement payé, un port de lettre considérable. M. de Florianet a eu bien des tantes[2] mais il n’en a point eu de plus aimable que celle d’aujourd’hui. Il verra, quand il sera à Ferney[3] une sœur de sa nouvelle tante, âgée d’environ seize ans, et qui serait très-digne de commettre un inceste avec M. de Florianet, si elle n’était pas retenue par son extrême pudeur. Il est vrai que cette pudibonde demoiselle va rarement à la messe, parce qu’elle s'y ennuie, et qu’elle n’entend pas encore le latin ; mais vous la corrigerez, et vous pourriez bien abandonner pour elle Melle Dupuits, qui vous aimait si tendrement et si violemment. Le nez de Melle Dupuits ne se réforme point encore, mais ses doigts acquièrent une souplesse merveilleuse au clavecin ; et si elle ne se sert pas incessamment de ses doigts pour se gratter où il lui démange, il faudra qu’elle soit plus pudibonde que la sœur de votre nouvelle tante.

  1. Jean-Pierre Claris de Florian, auteur d’Estelle, etc., né le 6 mars 1755, mort à Sceaux le 13 septembre 1794.
  2. Le marquis de Florian, oncle du chevalier, avait, en 1762, épousé M"" de Fontaine, nièce de Voltaire ; en 1772, M"°Rilliet ; enfin il avait épousé M"’ Joly en septembre 1774.
  3. Florian, dans les chapitres xi et xii de ses Mémoires d’un jeune Espagnol, parle de son voyage à Fernixo (c’est ainsi qu’il masque le nom de Ferney) ; mais ce voyage est de la fin de 1772 ; la tante dont il y est quiestion est la seconde femme du marquis de Florian. Le chevalier ne revint plus a Ferney.