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CORRESPONDANCE.

Hottentots et des nègres : cependant personne ne pense à remédier à ces abominables abus. Une partie des citoyens ne pense qu’à l’opéra-comique, et la Sorbonne n’est occupée qu’à condamner Bèlisaire, et à damner l’empereur Marc-Antonin.

Nous serons longtemps fous et insensibles au bien public. On fait de temps en temps quelques efforts, et on s’en lasse le lendemain. La constance, le nombre d’hommes nécessaire, et l’argent, manquent pour tous les grands établissements. Chacun vit pour soi : Sauve qui peut ! est la devise de chaque particulier. Plus les hommes sont inattentifs à leur plus grand intérêt, plus vos idées patriotiques m’ont inspiré d’estime.

J’ai l’honneur d’être, etc.

7246. — DE M. D’ALEMBERT.
À Paris, ce 23 avril.

Mon cher et illustre confrère, M. le marquis de Mora, que je vous ai déjà tant annoncé et que je ne vous ai pas annoncé autant qu’il le mérite, veut bien se charger de vous remettre cette lettre, dont il n’aura pas besoin, quand vous aurez causé un quart d’heure avec lui. Vous trouverez en lui un esprit et un cœur selon le vôtre, juste, net, sensible, éclairé, et cultivé, sans pédanterie et sans sécheresse. M. le duc de Villa-Hermosa, qui voyage avec M. le marquis de Mora, désire et mérite de partager avec lui la satisfaction de vous voir. Je vous l’ai dit[1], mon cher maître, vous me remercierez d’avoir connu ces deux étrangers, vous féliciterez l’Espagne de les posséder, et vous nous souhaiterez des grands seigneurs semblables à ceux-là, au lieu de nos conseillers de la cour, imbéciles et barbares, de nos danseuses, et de notre Opéra-Comique. Sur ce, mon cher et ancien ami, je vous demande votre bénédiction, et je vous renouvelle les assurances de mon dévouement et de ma sensibilité pour tout ce qui peut vous intéresser.

7247. — DE M. L’ÉVÊQUE D’ANNECY[2].
Annecy, 25 avril.

Monsieur, je n’ai différé de répliquer à votre lettre du 15 de ce mois que parce que je n’ai eu dès lors aucun moment de loisir, ayant été continuellement occupé de ce que nous appelons la retraite et le synode.

Je n’ai pu qu’être très-surpris qu’en affectant de ne pas entendre ce qui était fort intelligible dans ma lettre, vous ayez supposé que je vous savais bon gré d’une communion de politique, dont les protestants mêmes n’ont

  1. Voyez lettre 7230.
  2. Voyez lettre 7234.