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Je serais très-fâché qu’il prît ce parti, à moins que sa santé ne l’y force.

Je vous demande en grâce de me dire si cette nouvelle est aussi bien fondée qu’on le dit. Je présume que Tronchin viendra bientôt à Paris prendre soin de la santé de M. le duc d’Orléans, qui ne paraît pas avoir besoin de médecin. Que deviendrai-je, moi chétif, quand je ne serai plus dans le voisinage de Tronchin ? On dit que je n’en ai pas pour six mois.

Voici choses d’une autre espèce. Je crois vous avoir déjà mandé[1] que l’impératrice de toutes les Russies, souveraine de deux mille lieues de pays et de trois cent mille automates armés, qui ont battu les Prussiens batteurs des Autrichiens, etc., que ladite impératrice daignait faire venir quelques femmes de Genève pour montrer à lire et à coudre à de jeunes filles de Pétersbourg ; que le conseil de Genève a été assez fou et assez tyrannique pour empêcher des citoyennes libres d’aller où il leur plaît ; et enfin assez insolent pour faire sortir de la ville un seigneur envoyé par cette souveraine.

M. le comte de Schouvalow, qui était chez moi, m’avait recommandé ces demoiselles. Je ne balance pas assurément entre Catherine II et les vingt-cinq perruques de Genève.

Cette aventure m’a été fort sensible, elle m’a engagé à faire venir chez moi des citoyens parents de ces voyageuses affligées. Ils m’ont prouvé que le conseil agit en plus d’une occasion contre toutes les lois, et qu’il est bien loin de mériter (comme je l’ai cru longtemps) la protection du ministère de France. Il y a dans ce conseil trois ou quatre coquins, c’est-à-dire trois ou quatre dévots fanatiques, qui ne sont bons qu’à jeter dans le lac.

Mes anges, traitez les fanatiques comme le diable le fut par saint Michel.


6133. — À M. LEKAIN.
À Ferney, ce 11 octobre.

Mon cher Roscius, je fais partir par cet ordinaire votre Adélaïde, dûment corrigée. Il sera très-nécessaire qu’elle soit représentée à Fontainebleau avec les changements essentiels que j’y ai faits.

J’y joins une petite préface qui est assez piquante ; je crois que cela se vendra bien.

  1. Lettre 6118.