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6120. — À M. RIQUET DE BONREPOS[1].
24 septembre.

Ayant écrit au juge des Sirven, nommé par vous, une lettre dans laquelle il a fallu que votre nom se trouvât, j’ai cru qu’il était de mon devoir de vous en envoyer copie, ainsi que du billet que j’écris à Sirven ; et, si le juge subalterne n’ose pas faire rendre ce billet à un accusé qui est en prison, c’est à vous, monsieur, que je dois avoir recours, et je vous conjure de vouloir bien ordonner que ce billet lui soit rendu pour consoler et encourager un innocent très-malheureux, que l’horreur de la prison et la longueur des formes peuvent jeter dans le désespoir.

Je n’ai aucune recommandation auprès de vous ; mais votre équité me suffit.

Je ne prendrai point la liberté de vous parler du fond de l’affaire : vous la connaissez mieux que moi, et je ne pourrais que répéter ce que j’ai dit dans ma lettre à M. Astruc. Permettez-moi seulement de vous assurer que si mon âge et ma santé me permettaient d’aller à Toulouse, je viendrais implorer vos bontés pour Sirven ; et je présume que je les obtiendrais d’un cœur aussi juste et aussi généreux que le vôtre.

J’ai l’honneur d’être avec bien du respect, etc.


6121. — À M. ÉLIE DE BEAUMONT.
À Ferney, 26 septembre.

Vous entreprenez, monsieur, un ouvrage digne de vous, en essayant de réformer la jurisprudence criminelle. Il est certain qu’on fait trop peu de cas en France de la vie des hommes. On y suppose apparemment que les condamnés, étant dûment confessés, s’en vont droit en paradis. Je ne connais guère que l’Angleterre où les lois semblent plus faites pour épargner les coupables que pour sacrifier l’innocence. Croyez que partout ailleurs la procédure criminelle est fort arbitraire.

Le roi de Prusse a fait un petit code intitulé le Code selon la raison[2], comme si le Digeste était selon la folie ; mais, dans ce

  1. Éditeurs, de Cayrol et François. — Riquet de Bonrepos était procureur général du parlement de Toulouse.
  2. Cet ouvrage n’est pas dans les éditions que j’ai vues des Œuvres de Frédéric II. Barbeu du Bourg a donné en 1774, un Petit Code de la raison humaine ; Ansquer de Ponçol, en 1778, un Code de la raison. (B.)