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ANNÉE 1766.

pieds d’argile. Dites-lui, je vous en prie, que je lui serai tendrement dévoué toute ma vie.

Ne m’oubliez pas auprès du chevalier Béarnais[1], aussi vif que Henri IV, mon héros, et qui l’emporte, je crois, sur Henri IV en vigueur de tempérament. Je vous souhaite à tous deux que vous partagiez les filles de Genève cet hiver, attendu que cet amusement vaut mieux que celui de la comédie. La pièce suisse de Guillaume Tell[2] n’a pas trop réussi, quoiqu’elle soit, dit-on, écrite dans la langue du pays.

Je suis dans la joie, mon petit La Harpe vient de remporter le prix de l’Académie.

J’attends une autre joie, celle de lire le discours de M. Thomas[3].


6642. — DE M. HENNIN[4].
Le 31 décembre 1766.

Que dites-vous, monsieur, de notre besogne. La bombe a éclaté[5], et c’est moi qui suis chargé d’en jeter les éclats au nez de ceux qui le méritent. Vous jugez bien que je ne prendrai pas mon élan pour cela, mais je ferai strictement mon devoir. Vous savez peut-être que les Vingt-Quatre[6] croient m’avoir la plus grande obligation, et me font les plus belles démonstrations d’amitié. Puisse le ciel les éclairer, et faire tomber le verre que la vanité a mis sur leurs yeux.

Je vous embrasse et n’espère pas aller de sitôt à Ferney.


6643. — À M. LE PRINCE DMITRI GALLITZIN[7].
31 décembre 1766, à Ferney, par Genève.

Monsieur, je n’ai reçu aucune lettre de Votre Excellence depuis plus de six mois. La dernière lettre dont Sa Majesté impé-

  1. Le chevalier de Taulès.
  2. De Le Mierre ; voyez lettre 6583.
  3. Voyez lettre 6625.
  4. Correspondance inédite de Voltaire avec P.-M. Hennin ; 1825.
  5. Les affaires de Genève, loin de s’arranger, s’embrouillaient de plus en plus. Les représentants attiraient par leur conduite le mécontentement du cabinet de Versailles. Le projet de règlement dressé par les médiateurs venait d’être rejeté. (Voyez lettre du 27 novembre.) Le chevalier de Beauteville quitta Genève pour se rendre à Soleure le 30 décembre 1766. Il fut dès lors question de former un cordon de troupes, d’investir Genève, et de pacifier la république par la force, puisque les négociations ne faisaient point parvenir à ce but.
  6. Les Vingt-Quatre étaient, comme on l’a déjà vu, des commissaires nommés par les représentants pour défendre leur cause auprès des médiateurs.
  7. Collection de documents, mémoires et correspondances relatifs à l’histoire de l’empire de Russie, tome XV, page 622.