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ANNÉE 1766.

Moïse ne serait pas un bâtard de la fille de Pharaon que cette princesse aurait fait élever ? Il n’est pas à croire qu’une fille de roi ait eu tant de soin d’un enfant Israélite, dont la nation était en horreur aux Égyptiens. Le serpent d’airain ne ressemble pas mal au dieu Esculape ; les chérubins, au sphinx ; les bœufs, qui étaient sous la mer d’airain où les Israélites faisaient les ablutions, au dieu Apis. Enfin il paraît que Moïse avait donné à ce peuple beaucoup de cérémonies religieuses qu’il avait prises de la religion des Égyptiens. Pour ce qui est du Nouveau Testament, il y a des histoires dans lesquelles je souhaiterais d’être mieux instruit. Le massacre des innocents me parait incompréhensible. Comment le roi Hérode aurait-il pu faire égorger tous ces petits enfants, lui qui n’avait pas le droit de vie et de mort, comme nous le voyons dans l’histoire de la Passion, et que ce fut Ponce-Pilate, gouverneur des Romains, qui condamna Jésus-Christ à la mort ? Pourquoi est-ce que Josèphe n’en parle pas, ni aucun écrivain romain ? La prière au jardin des Olives me paraît aussi un miracle de ce qu’elle est parvenue jusqu’à nous : car les apôtres ont dormi, le Seigneur les a éveillés jusqu’à trois fois ; à la troisième fois, Judas, avec sa cohorte, vint pour l’enlever ; ainsi il n’a pas pu leur faire part de cette prière. L’ascension me parait une histoire qui n’est pas bien claire. L’évangéliste saint Matthieu, qui est le plus précis des quatre dans sa narration, n’en dit pas un mot. Saint Marc le fait monter au ciel d’une chambre où les les onze apôtres étaient à table ; saint Luc, du chemin de Béthanie ; saint Jean n’en parle pas ; et le premier chapitre des Actes des apôtres le fait monter au ciel d’une haute montagne où une nue descendit pour l’enlever. Que je serais charmé si je pouvais m’entretenir ici avec vous sur toutes ces choses, comme vous me le faites espérer ! Soyez toujours persuadé que je ne négligerai aucune occasion où je pourrai vous réitérer de bouche les assurances de l’amitié sincère et de la parfaite considération avec lesquelles je suis votre, etc.

Frédéric[1].

6556. — À M. DAMILAVILLE.
3 novembre.

Je reçois votre lettre du 27, mon cher et vertueux ami. Vous ne me mandez point ce que pense le public de la folie et de l’ingratitude de Jean-Jacques. Il semble qu’on ait trouvé de l’éloquence dans son extravagante lettre à M. Hume. Les gens de lettres ont donc aujourd’hui le goût bien faux et bien égaré. Ne savent-ils pas que la première loi est de conformer son style à son sujet ? C’est le comble de l’impertinence d’affect-

  1. Beuchot a réimprimé ici la lettre du duc de La Vallière, du 1er novembre 1766, imprimée comme Certificat dans l’Appel au public. Voyez tome XXV, page 582.