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vivre plus longtemps, et de faire un meilleur marché. Si vous étiez un vrai philosophe, si vous aimiez la retraite, j’ai un petit ermitage auprès de Ferney que je vous céderais de tout mon cœur, et qui ne vous coûterait rien, pas même de remerciements, car cela n’en mérite pas. Mais je vois que vous aimez le grand monde, et que la superbe ville de Lausanne est l’objet de vos plus tendres souhaits. Les miens sont de vous revoir. Je vais prévenir M. d’Alembert[1] de votre arrivée à Paris ; il vous connaîtra avant de vous avoir vu : il vaut mieux prendre ce parti que de vous envoyer une lettre pour lui, qui augmenterait le port considérablement.

Le procès de Jean-Jacques contre M. Hume est le procès de l’ingratitude contre la générosité. Jean-Jacques est un monstre. Savez-vous bien que ce fou avait persuadé à ses amis que je cabalais avec vous pour le faire chasser de la Suisse ? C’est le plus détestable extravagant que j’aie jamais connu. Cette dernière aventure achève de le couvrir d’opprobe. Je ne crois pas qu’il puisse vivre en Angleterre ; il faut qu’il aille chez vos Patagons haut de neuf pieds : quoiqu’il n’en ait qu’environ quatre et demi, il leur prouvera qu’il est plus grand qu’eux.

Adieu, mon cher philosophe ; je vous embrasse tendrement. Je serai enchanté de vous revoir.


6555. — DE FRÉDÉRIC.
landgrave de hesse-cassel.
Au château de Weissenstein, près Cassel, le 1er novembre.

Monsieur, madame Galatin vous a dit vrai ; j’aime mieux avoir quelques vers sortis de votre plume que de toute autre. L’esprit, et le véritable esprit, y brille partout. L’Épître à Uranie[2] est un ouvrage admirable, et tous ceux à qui le fanatisme et la superstition n’ont pas fermé les yeux pensent comme moi. La Mule du pape[3] est charmante, on y découvre aisément son auteur. Personne n’est en état de dire de si jolies choses, et de leur donner une tournure si agréable.

Les prédicants calvinistes sont un peu (à ce qu’il ma paru pendant le peu de séjour que j’ai fait à Genève) brouillés avec eux-mêmes sur des points capitaux de la religion.

J’ai fait depuis quelque temps des réflexions sur Moïse et sur quelques histoires du Nouveau Testament, qui m’ont paru être justes. Est-ce que

  1. Cette lettre à d’Alembert manque.
  2. Voyez cette pièce, tome X.
  3. Tome IX.