Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome44.djvu/472

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je me flatte, mon cher frère, que je recevrai bientôt le mémoire de feu M. de La Bourdonnais[1], avec tout ce que j’attends.

Je suis très-curieux, je vous l’avoue, de lire la lettre de Jean-Jacques à M. Hume[2]. On dit que c’est un chef-d’œuvre d’impertinence.

L’intérêt que vous prenez à M. et à Mme de Beaumont ne vous a-t-il pas engagé à lire le factum de son adverse partie ? Un seul mémoire ne met jamais au fait. Si le mémoire de M. de La Roque pouvait se trouver dans votre paquet, je serais bien content.

Vous n’avez rien reçu par M. de La Borde ; mais l’ainé Calas doit arriver à Paris avant cette lettre, et M. de La Borde devait aller de Ferney en Anjou.

Ô qu’il serait doux de vivre ensemble, et de se rassembler cinq ou six sages loin des méchants et loin des obstacles ! comme ou est bridé et garrotté de tous côtés !

Avez-vous des nouvelles d’Élie ? Ce pauvre Sirven se désespère. Je lui ai donné vingt fois des espérances qui l’ont trompé. Je suis la cause innocente de ses larmes ; il fait pitié.

Adieu, mon cher frère ; vos lettres sont ma plus grande consolation.


6535. — À M. D’ALEMBERT.
15 octobre.

Mon vrai philosophe, Jean-Jacques est un maître fou, et aussi fou que vous êtes sage. La lettre de M. Hume me prouve que les Anglais ne sont point du tout hospitaliers, puisqu’ils n’ont pas donné une place dans Bedlam à Jean-Jacques. Ce petit bonhomme aurait été enchanté d’y être logé, pourvu qu’on eût mis son nom sur la porte, et que les gazettes en eussent parlé. Au moins les folies de cette espèce ne font pas grand mal ; mais nous en avons eu à Toulouse et à Paris d’une espèce plus dangereuse. Les fous atrabilaires, les furieux, sont plus remarqués dans notre nation que dans toute autre. Je m’imagine que mon ancien disciple[3] vous a écrit ce qu’il en pensait ; il est admirable sur ce chapitre. Je le crois enfin devenu tout à fait philosophe. Je me trompe fort, ou plus il vieillira, plus il sera humain et sage. Je voudrais savoir si vous écrivez toujours à une certaine

  1. Mémoire pour M. de La Bourdonnais (avec le Supplément par de Gennes), 1750-1751, deux volumes in-4o, ou quatre volumes in-12.
  2. Elle est du 10 juillet 1766.
  3. Fréderic II.