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ANNÉE 1766.

les sentiments présents de M. de Beaumon sur ce choix ; mais le point principal est l’impression de son mémoire. Je me flatte que M. d’Argental en aura le premier exemplaire.

Il me semble que le temps est favorable pour faire imprimer cet ouvrage, et pour disposer les esprits. L’automne est un temps d’indolence et de désœuvrement, pendant lequel on est avide de nouveautés.

Vous savez sans doute que le sieur Saucourt, juge d’Abbeville, n’a pas voulu juger les autres accusés, et l’on croit qu’il se démettra de sa place : c’est ainsi qu’on se repent après que le mal est fait.

J’attends votre paquet, dans lequel j’espère trouver des consolations. Si M. Boulanger, auteur du bel article Vingtième[1], vivait encore, il serait bien étonné que le blé coûte quarante francs le setier, et qu’on n’y met point ordre. Tout va comme il plaît à Dieu.

Adieu, mon cher ami ; je suis bien malade. Je vous répète que je serai très-fâché de mourir sans avoir vu Platon, et surtout sans vous avoir revu avec lui. Je vous embrasse de toutes les forces qui me restent. Écr. l’inf…

Voulez-vous bien envoyer cette lettre au libraire Lacombe ? Il y a aussi une lettre à lui adressée dans ce maudit recueil, et Lacombe sera sans doute plus honnête que Deodati. Bonsoir, mon très-cher ami.


6524. — À MADAME D’ÉPINAI.
26 septembre.

Si vous êtes chèvre, madame, il n’y a personne qui ne veuille devenir bouc ; mais vous m’avouerez que de vieux singes, devenus tigres, sont une horrible espèce. Comment se peut-il faire que les êtres pensants et sensibles ne cherchent pas à vivre ensemble dans un coin du monde, à l’abri des coquins absurdes qui le défigurent ? Je jouis de cette consolation depuis quelques années ; mais il y a des êtres qui me manquent : j’aurais voulu vivre surtout avec vous et vos amis. Il est vrai que le petit nombre de sages répandus dans Paris peut faire beaucoup de

  1. Cet article de l’Encyclopédie est, nous l’avons dit, de Damilaville ; mais pour ne pas compromettre son auteur, chef du bureau des vingtièmes, on l’avait mis sur le compte de feu Boulanger, Voltaire n’ignorait pas cette supposition de personnes.