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ANNÉE 1766.

je mourrai attaché à mon cher ange, avec mon culte ordinaire d’hyperdulie.

P. S. Que dites-vous de Mme la comtesse de Brionne, qui va des Pyrénées aux Alpes comme on va de Versailles à Paris ? Elle voulait venir incognito ; je l’en défie. Est-ce qu’elle serait philosophe ?


6522. — À M. LACOMBE.
À Ferney, 26 septembre.

Je suis obligé, monsieur, de recourir à votre témoignage pour confondre une singulière imposture. Un éditeur s’est avisé de recueillir quelques-unes de mes lettres[1] qui ont couru dans Paris. Elles sont toutes falsifiées, et presque toutes les falsifications sont des outrages odieux faits aux personnes les plus considérables du royaume. Ce recueil est imprimé à Amsterdam, sous le nom de Genève. Il est connu dans toute l’Europe, hors à Paris, où il est justement prohibé.

Il y a dans ce recueil une lettre que je vous écrivis en 1763, au sujet de la reine Christine. Je vous prie de me dire si les paroles suivantes sont effectivement[2] dans l’original que vous pouvez avoir :

« La réputation de son père était si grande qu’on aurait tenu compte à cette princesse de toutes les sottises attachées à son sexe, et même du mal qu’elle n’aurait pas osé faire à ses sujets. Il faut être né bien dépravé et bien stupide pour ne pas briller sur le trône, et pour ne point s’immortaliser par de bonnes actions, plus faciles à faire que les grandes et belles actions. Quoi qu’il en soit, ce livre est toujours un monument précieux qui pourrait servir d’exemple à d’autres princes qui auraient la folle gloriole d’abdiquer. »

Je ne crois pas m’être servi d’expressions si plates et si ridicules. Presque tout le reste de la lettre imprimée est très-indignement défiguré. Je vous prie de m’envoyer un certificat dans lequel vous fassiez éclater votre juste indignation contre le faussaire. On ne peut réprimer le brigandage de la librairie qu’en le dévoilant. Je vous serai obligé de m’envoyer les feuilles de la pièce[3] que vous imprimez. Je souhaite que cet ouvrage soit accueilli avec quelque indulgence, afin que l’auteur puisse joindre

  1. Voyez l’Appel au public, tome XXV, page 579.
  2. Elles n’y étaient pas ; voyez tome XLII, page 497.
  3. Le Triumvirat.