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ANNÉE 1766.

que tous les estomacs ne peuvent pas digérer : il y a quelques endroits où la pâte est un peu aigre ; mais, en général, son pain est ferme et nourrissant. Ce M. Boulanger-là a bien fait de mourir, il y a quelques années, aussi bien que La Mettrie, Dumarsais, Fréret, Bolingbroke, et tant d’autres. Leurs ouvrages m’ont fait relire les écrits philosophiques de Cicéron ; j’en suis enchanté plus que jamais. Si on les lisait, les hommes seraient plus honnêtes et plus sages.

Je me flatte que le petit ballot est parti. Mes compliments à l’auteur voilé du dévoilé. Je l’embrasse mille fois. Écr. l’inf…


6521. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
26 septembre.

Mon cher ange, je vous supplie de présenter mes tendres respects à M. le duc de Praslin. Je suis pénétré des sentiments de bonté dont il veut toujours m’honorer. Je lui souhaite une santé affermie : c’est la seule chose qui peut lui manquer, et c’est celle sans laquelle il n’y a point de bonheur.

Il est vrai que j’ai un beau sujet[1] ; mais c’est une belle femme qui me tombe entre les mains, à l’âge de près de soixante-treize ans : je la donnerai à exploiter à quelque jeune homme. Je vous ai déjà dit[2] que j’étais comme le chevalier Comdom, qui s’est fait une grande réputation pour avoir procuré du plaisir à la jeunesse quand il ne pouvait plus en avoir.

La Harpe et Chamfort viennent chez moi à la fin de l’automne, ainsi vous aurez deux tragédies : de quoi diable avez-vous à vous plaindre ?

Je ne hais pas absolument les roués ; je trouve qu’ils se font lire, et qu’il n’y a pas un seul moment de langueur. Je trouve qu’elle est fortement écrite, et je crois même qu’elle ferait plaisir au théâtre si Mlle Clairon jouait Fulvie ; Mlle Lecouvreur, Julie ; Baron, Auguste ; et Lekain, Pompée. Il n’est pas mal d’ailleurs d’avoir une pièce dans ce goût, afin que tous les genres soient épuisés.

À l’égard des ouvrages philosophiques tels que Cicéron, Lucrèce, Sénèque, Épictète, Pline, Lucien, en faisaient contre les

  1. Les Scythes ; voyez tome VI, page 261.
  2. La lettre où Voltaire parle pour la première fois du chevalier de Comdom manque.