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les horreurs ; et j’oublie ce que la nation peut avoir de frivole et d’exécrable, pour ne me souvenir que d’un cœur aussi généreux que le vôtre, et pour vous souhaiter toute la félicité que vous méritez. J’ai peu de temps à végéter encore sur ce petit tas de boue : je ne regretterai guère que vous et le petit nombre de personnes qui vous ressemblent. Vos bontés seront ma plus chère consolation, jusqu’au moment où je rendrai mon existence aux quatre éléments.

Agréez mon très-tendre respect.


6493. — À M. BLIN DE SAINMORE.
À Ferney, le 9 septembre.

Vous m’avez écrit quelquefois, monsieur, et je vous ai répondu autant que ma santé et la faiblesse de mes yeux ont pu le permettre. Je me souviens que je vous envoyai, en 1762, des vers fort médiocres[1], en échange des vers fort bons que vous m’aviez adressés.

On me mande qu’un homme de lettres, nommé M. Robinet, actuellement en Hollande, a rassemblé plusieurs de mes lettres toutes défigurées, parmi lesquelles se trouve ce petit billet en vers dont je vous parle. Vous me feriez plaisir, monsieur, de m’instruire de la demeure de M. Robinet, qu’on m’a dit être connu de vous. Je vous prie aussi de me dire quand nous aurons le Racine, pour lequel j’ai souscrit[2] entre vos mains. Je suis bien vieux et bien malade, et je crains de mourir avant d’avoir vu cette justice rendue à celui que je regarde connue le meilleur de nos poëtes.

J’ai l’honneur d’être, etc.


6494. — DE M. D’ALEMBERT.
Ce 9 septembre.

C’est en effet, mon cher et illustre maître, un jugement de Salomon que celui dont vous me parlez[3]. Nos pères de la patrie sont à bien des siècles

  1. C’est en 1761 que Blin de Sainmore publia Gabrielle d’Estrée à Henri IV, héroïde. En envoyant cette pièce à Voltaire, il y joignit des vers auxquels Voltaire répondit par des stances (voyez tome VIII) qui commencent ainsi :

    Mon amour-propre est vivement flatté.

  2. Voyez la note, tome XLIII, page 469.
  3. Voyez ci-dessus la lettre 6468.