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de Jean[1]. Quelle pitié que tout cela ! On perd à déterrer des erreurs un temps qu’on emploierait peut-être à découvrir des vérités.

N. B. Le théologien Vernet s’est plaint au conseil de Genève qu’on se moquait de lui ; le conseil lui a offert une attestation de vie et de mœurs[2], comme quoi il n’avait pas volé sur les grands chemins, ni même dans la poche. Cette dernière partie de l’attestation paraissait bien hasardée.


6415. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
Aux eaux de Rolle, 18 Juillet.

Je ne sais où vous êtes, monseigneur ; mais quelque part que vous soyez, vous êtes compatissant et généreux : vous serez touché de cette relation qu’on m’a envoyée[3]. Je suis persuadé que

  1. Voltaire veut parler des versets 7 et 8 du chapitre v de la première épître de saint Jean, où l’on lit : « tres sunt qui testimonium dant in cœlo, Pater, Verbum, et Spiritus Sanctus ; et hi tres unum sunt. Et tres sunt qui testimonium dant in terra, spiritus, et aqua, et sanguis ; et hi tres unum sunt. »
  2. Voyez la note, tome XXV, page 491.
  3. Extrait d’une lettre d’Abeville, du 7 juillet.

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    Un habitant d’Abbeville, lieutenant de l’élection, riche, avare, et nommé Belleval, vivait dans la plus grande intimité avec l’abbesse de Vignancourt, fille de M. de Brou, lorsque deux jeunes gentilshommes, parents de l’abbesse, nommés de La Barre, arrivèrent à Abbeville. L’abbesse les reçut chez elle, les logea dans l’intérieur du couvent, plaça, peu de temps après, l’aîné des deux frères dans les mousquetaires. Le plus jeune, âgé de seize à dix-sept ans, toujours logé chez sa cousine, toujours mangeant avec elle, fit connaissance avec la jeunesse de la ville, l’introduisit chez l’abbesse ; on y soupait, on y passait une partie de la nuit.

    Le sieur Belleval, congédié de la maison, résolut de se venger. Il savait que le chevalier de La Barre avait commis de grandes indécences, quatre mois auparavant, avec quelques jeunes gens de son âge mal élevés. L’un d’eux avait donné, en passant, un coup de baguette sur un poteau auquel était attaché un crucifix de bois ; et quoique le coup n’eût été donné que par derrière, et sur le simple poteau, la baguette, en tournant, avait frappé malheureusement le crucifix. Il sut que ces jeunes gens avaient chanté des chansons impies, qui avaient scandalisé quelques bourgeois. On reprochait surtout au chevalier de La Barre d’avoir passé à trente pas d’une procession qui portait le saint sacrement, et de n’avoir pas ôté son chapeau.

    Belleval courut de maison en maison exagérer l’indécence très-répréhensible du chevalier et de ses amis. Il écrivit aux villes voisines ; le bruit fut si grand que l’évêque d’Amiens se crut obligé de se transporter à Abbeville pour réparer le scandale par sa piété.

    Alors on fit des informations, on jeta des monitoires, on assigna des témoins ; mais personne ne voulait accuser juridiquement de jeunees indiscrets dont on