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ANNÉE 1766.

la lisière d’un pays où l’on commet de sang-froid, et en allant dîner, des barbaries qui feraient frémir des sauvages ivres. Et c’est là ce peuple si doux, si léger, et si gai ! Arlequins anthropophages ! je ne veux plus entendre parler de vous. Courez du bûcher au bal, et de la Grève à l’Opéra-Comique ; rouez Calas, pendez Sirven, brûlez cinq pauvres jeunes gens[1] qu’il fallait, comme disent mes anges, mettre six mois à Saint-Lazare ; je ne veux pas respirer le même air que vous.

Mes anges, je vous conjure, encore une fois, de me dire tout ce que vous savez. L’Inquisition est fade en comparaison de vos jansénistes de grand’chambre et de tournelle. Il n’y a point de loi qui ordonne ces horreurs en pareil cas ; il n’y a que le diable qui soit capable de brûler les hommes en dépit de la loi. Quoi ! le caprice de cinq vieux fous suffira pour infliger des supplices qui auraient fait trembler Busiris ! Je m’arrête, car j’en dirais bien davantage. C’est trop parler de démons, je ne veux qu’aimer mes anges.


6411. — À M. DAMILAVILLE.
À Genève, 16 juillet.

Votre ami, monsieur, est toujours aux eaux de Rolle en Suisse, et les médecins lui ont conseillé un grand régime. Vous pouvez toujours m’écrire chez M. Souchai, à Genève, tant pour les affaires de Bugey que pour le vingtième.

Nous vous supplions très-instamment, M. Frégote et moi, de nous envoyer, à l’adresse de M. Souchai, la consultation des avocats, les conclusions du procureur général, comme aussi l’avis du rapporteur, les noms des juges qui ont opiné pour, et ceux des juges qui ont opiné contre, afin que nous puissions nous conduire avec plus de sûreté dans la révision de cette affaire.

Nous espérons tirer un grand parti de la consultation des avocats ; nous nous flattons même de vous envoyer, avant qu’il soit peu, un mémoire raisonné qu’on nous dit être fait sur la bonne jurisprudence, touchant le fait et le droit.

S’il y a quelque chose de nouveau, nous vous prions de vouloir bien en parler à MM. les conseillers Mignot et d’Hornoy, qui vous donneront sans doute les éclaircissements nécessaires.

  1. Il y avait cinq accusés, le chevalier de La Barre, Moinel, Douville de Maillefeu, Dumaisniel de Saveuse, et d’Étallonde de Morival ; le premier et le dernier avaient été condamnés à être brûlés, mais d’Étallonde était contumace. La Barre seul fut exécuté.