Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome44.djvu/243

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les mimes, et non pas ceux qui représentaient la Mèdée d’Ovide. Enfin nous sommes accusés, ne nous accusons pas nous-mêmes.

Pourriez-vous, monsieur, faire quelque usage des honneurs que reçut à Lyon la célèbre[1] Andreini, qui fut enterrée avec beaucoup de pompe ? Pardonnez, monsieur, à un pauvre plaideur dont vous êtes le patron, sa délicatesse sur la cause que vous daignez défendre ; il est bien juste que je prenne vivement le parti de ceux qui ont fait valoir mes faibles ouvrages.

J’ajoute encore qu’aujourd’hui, en Italie, il y a beaucoup plus d’académiciens que de comédiens qui représentent des pièces de théâtre ; les tragédies surtout ne sont jouées que par des académiciens. Enfin je soumets toutes mes idées aux vôtres, et je vous réitère mes remerciements, ainsi que les sentiments de la plus vive estime. Vous allez devenir le vrai protecteur de l’art que je regarde comme le premier des beaux-arts, et auquel j’ai consacré une partie de ma vie. Soyez bien persuadé, monsieur, de la tendre et respectueuse reconnaissance de votre, etc., etc.


6281. — DE M. HENNIN[2].
Genève, 1er mars 1766.

Il est très-vrai, monsieur, que, depuis que je suis à Genève, je roule dans ma tête le projet de rendre les Genevois sujets du roi pour l’utile, parce qu’il me paraît démontré que tout le monde y gagnerait, et que les négociations de ce genre sont assurément les plus importantes. Je me suis persuadé que si j’ouvrais aux Genevois le pays de Gex, j’identifierais ce peuple à la France, par le vieux principe que là où est le trésor, là est aussi le cœur. J’ai donc dit un mot de ce projet à M. le duc de Praslin, pour prendre date ; mais mon dessein était d’attendre la fin de la médiation, pour entamer une affaire qui ne sera pas sans difficultés. On peut s’attendre, monsieur, à trouver des oppositions de la part du parlement de Bourgogne et des fermiers généraux. M. Fabry, qui est très-fort dans notre sentiment sur le fond de cette affaire, travaille depuis longtemps à libérer le pays de Gex des obstacles que la finance met à sa prospérité. Il pourra nous être très-utile pour ceux que les préjugés de la magistrature feront naître.

Mon avis serait, monsieur, que tout Genevois qui aurait eu son père ou quelqu’un de ses ancêtres dans les premières places de l’État ne fût pas confondu avec le roturier s’il achetait une terre en France. Je voudrais qu’on fixât une espèce de taxe particulière pour tous les biens qui passeraient entre

  1. Jusqu’à ce jour on a imprimé : le célèbre Andreini, qui fut enterré. Isabelle Andreini, morte à Lyon en 1604, y eut des obsèques magnifiques, (B.)
  2. Correspondatice inédite de Voltaire avec P.-M. Hennin, 1825.