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confrères ne devrait donner ce titre au frère de Pompignan. Les évêques n’ont aucun droit de s’arroger cette qualification, qui contredit l’humilité dont ils doivent donner l’exemple. Ils ont eu la modestie de changer en monseigneur le titre de révérendissime père en Dieu[1], qu’ils avaient porté douze cents ans.

Pour Jean-George, il n’est assurément que ridiculissime. Je vous prie, mon cher philosophe, de vous amuser à lire la Lettre[2] que mon petit secrétaire a écrite au grand secrétaire du célèbre Simon Lefranc de Pompignan, frère aîné de Jean-George. Vous direz comme Marot :


Monsieur l’abbé et monsieur son valet
Sont faits égaux tous deux comme de cire.

(Épigrammes.)

L’ouvrage, qui est en partie de Dumarsais, et qu’on attribue à Saint-Évremont, se débite dans Paris, et je suis étonné qu’il ne soit point parvenu jusqu’à vous. Il est écrit, à la vérité, trop simplement ; mais il est plein de raison. C’est bien dommage que cette raison funeste, qui nous égare si souvent, s’élève avec tant de force contre la religion chrétienne. Ce livre n’est que trop capable d’affermir les incrédules et d’ébranler la foi des plus croyants.

Vous voulez donc, mon grand philosophe, vous abaisser jusqu’à chasser les jésuites de Silésie. Je n’ai pas de peine à croire que vous réussissiez dans cette digne entreprise ; mais vous n’aurez pas le plaisir de chasser des jésuites français : il y a longtemps que Luc s’est défait d’eux. Il n’y a plus en Silésie que de gros vilains jésuites allemands, ivrognes, fripons, et fanatiques, qui ne sont pas assurément les favoris du philosophe de Sans-Souci.

Continuez, je vous prie, à m’aimer un peu, à vous moquer des sots, à faire trembler les fripons ; et si vous faites jamais ce voyage d’Italie que vous projetiez, de grâce, passez par chez nous.


5518. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
8 janvier.

Il faut que j’importune encore mes anges. Je viens de lire le livre de l’Anti-financier, et il me fait trembler pour celui de la

  1. Voyez tome XVIII, page 114.
  2. Voyez tome XXV, page 137.