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Sachez encore, madame, que les femmes commencent à inoculer la petite vérole, qu’elles en font un jeu, tandis que votre parlement donne des arrêts contre l’inoculation, et que vos facultés welches disent des sottises. Voyez donc combien je respecte le beau sexe.

La Destruction des jésuites[1] est la destruction du fanatisme. C’est un excellent ouvrage ; aussi votre inquisition welche l’a-t-elle défendu. Il est d’un homme supérieur qui vient quelquefois chez vous : c’est un esprit juste, éclairé, qui fait des Welches le cas qu’il en doit faire ; il contribue beaucoup à détruire, chez les honnêtes gens, le plus absurde et le plus abominable système qui ait jamais affligé l’espèce humaine. Il rend en cela un très-grand service ; avec le temps les Welches deviendront Anglais. Dieu leur en fasse la grâce !

M. le président Hénault ma mandé qu’il avait quatre-vingt-un ans[2] : je ne le croyais pas. La bonne compagnie devrait être de la famille de Mathusalem. J’espère du moins que vous et vos amis serez de la famille de Fontenelle[3]. Mais voici le temps de dire avec l’abbé de Chaulieu[4] :


Ma raison m’a montré, tant qu’elle a pu paraître,
Que rien n’est en effet de ce qui ne peut être ;
Que ces fantômes vains sont enfants de la peur, etc.


Voici surtout le temps de vivre pour soi et ses amis, et de sentir le néant de toutes les brillantes illusions.

Mme la maréchale de Luxembourg n’a point répondu au petit mémoire[5] dont vous me parlez. Il est clair que son protégé[6] a tort avec moi : mais il est sûr aussi que je ne m’en soucie guère, et que je plains beaucoup ses malheurs et sa mauvaise tête.

Vous ne me parlez point des Calas. N’avez-vous pas été un peu surprise qu’une famille obscure et huguenote ait prévalu

  1. Sur la Destruction des jésuites en France, par un auteur désintéressé (d’Alembert), 1765, in-12.
  2. Le président Hénault étant né le 8 février 1685 n’avait que soixante-dix-neuf ans et un peu plus de deux mois à la fin d’avril 1764, année dans laquelle on a jusqu’à présent classé cette lettre de Voltaire à Mme du Deffant. Depuis le 8 février 1765, le président avait commencé sa quatre-vingt-unième année, et la lettre peut être de cette année. (B.)
  3. Qui mourut à cent ans moins un mois et deux jours, a dit Voltaire, tome IV, page 74.
  4. Dans une Épître au marquis de La Fare.
  5. Voyez la lettre 5875.
  6. J. -J. Rousseau.